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Que non que si (1993)

À la manière de Raymond Queneau

Article du 4 novembre 2010, publié par PO (modifié le 20 mai 2014 et consulté 1454 fois).

QUE NON QUE SI

Exercices de style bis

à la plus grande gloire

(dans la mesure du possible)

de Georges Hacquard,

directeur de l’École alsacienne pendant au moins un siècle.

Écrit et joué par Laure Dardonville, Valérie Duyck, Camille Flammarion, Justine Greif-Humblot, Jonathan Hadjadj, Emmanuel Marre, Clémentine Poisson, Cléa Seydoux & Marcelline de Tessières.

Première et dernière représentation au Théâtre d’Ostie le 19 mai 1993.

Place des Coeurs Brisés

LETTRE D’AMOUR

Mon cher Georges,

Mon bel amour, bijou de mes rêves hacquardiens, tu me manques. La vie n’est rien sans toi. L’autre jour, par exemple, cherchant de l’encre pour t’écrire des mots doux, j’ai pris un bus vert comme tes yeux. A l’intérieur se trouvait un homme très bizarre. Il avait un long cou et portait un grand chapeau comme ceux qui te vont si bien. Mais le sien était différent, il était décoré d’une tresse au lieu d’un ruban. Oh, comme j’aurais voulu que tu sois là, j’aurais pu ainsi admirer ton sourire éclatant, comme autrefois. Il a discuté avec un homme en employant des mots que jamais je ne pourrais répéter à ton être si pur. Il est allé s’asseoir d’une manière tellement peu convenable que je ne pouvais oublier la façon si élégante que tu as de poser ta personne sur un fauteuil de velours.

Je l’ai revu un peu plus tard à la gare St. Lazare. Il a reconquis mon attention où il n’y avait que toi. Il bavardait avec un ami qui lui conseillait de remonter le bouton de son pardessus. Comme tu aurais ri... Mon amour éternel, mon Georges, mon Hacquard.

Je t’aime, je t’aime, je t’aime.


Saint-Joint-les-Poudres

LE CAMÉ

Attends ! Je vais dans un bus, je rencontre un Hacquard. Il avait le cou comme trois pétards et attends ! c’est pas fini ! En plus il avait un chapeau avec de la liane entourée dessus. Je me suis dit faut que j’arrête la coke ! Ensuite y m’marche sur les pieds, je me suis pas énervé, j’ai allumé un pétard et après y a été s’asseoir dans de la came. Et voilà qu’il s’en va, le Hacquard. Le temps de prendre 20 joints et 3 lignes je le revois avec un autre camé en train de lui remonter le bouton de son pardessus...


La Pique des Aristos

LE PICKPOCKET

J’ai rencontré, dans l’autobus, un jeune homme – serait-ce mon ami Georges ? – coiffé d’un chapeau avec une tresse que j’ai pu facilement revendre aux Puces. Il échange quelques mots vifs avec un homme déjà classé dans mes dossiers. Ils ne parlaient malheureusement pas d’un hold-up à partager. Puis le jeune homme courut s’asseoir à une place devenue libre, le porte-monnaie du précédant voyageur l’ayant quitté en douceur.

Un peu plus tard, ayant flairé un bon coup à faire, je le revis comme par hasard parlant avec un homme, dont un billet de 500F - vous savez, celui avec le portrait de Georges Hacquard - sortait de sa poche, devant la gare St. Lazare où je me rends régulièrement en tant que pickpocket professionnel ; je dois ce titre au professeur Hacquard qui, décidément, m’aura tout appris. Son ami lui parlait d’un certain bouton - qui va très bien, je dois le dire, à ma redingote bleue, que je viens de trouver dans le vestiaire du Théâtre de l’Odéon, où se joue, en ce moment même, la très célèbre pièce de Georges Hacquard, Un Tramway nommé École alsacienne.


Fourrière Saint Canigou

LES CHIENS

Par un temps de chien, j’entrai dans un bus plein de cabots. Soudain, un roquet au long cou et à la fourrure désordonnée apparut. Il aboya furieusement après un bâtard qui – grognait-il comme autrefois Monsieur Hacquard savait si bien le faire – lui écrasait le museau contre la vitre. Mais ayant trouvé une niche vide, le roquet s’y installa.

Deux heures plus tard, devant la fourrière St. Lazare, je le rencontrai avec un beagle qui avait l’air complètement stupide, et qui lui disait :

« Au lieu de copier tout le temps Monsieur Hacquard, tu devrais te brosser la fourrure vers le haut, ce serait bien plus cool, ouah, ouah ! »


Place du "H"-LM

LE VERLAN DU RAPPEUR

Tu sais pas ce qui m’est arrivé, mon frère Quart-Ha, mon frère Ge-Geore, dans le sub. Y’avait un cem hyper zarbi, YO ! Il se payait une tresse à deux francs autour de son chapeau YO ! Il a marché sur le diep d’un cem. Ça s’est passé sur la legni "S", YO ! Il avait un cou hyper chanmé. Ça a fait des embrouilles j’te raconte pas. Puis il a céfon sur la cepla libre.

J’l’ai revu deux plombs tard plus gare du Lazare Saint. Il était avec un fesseur pro nommé Hacquard qui lui zédis d’décaler son tonbou. YO !


Avenue des Boulevards

FAÇONS DE PARLER

Un jour, alors que le soleil brillait, j’ai aperçu, grâce à mes yeux de Hacquard, un jeune homme pas plus âgé que Hacquard, doté d’un long cou de... girafe, et d’un galurin de la famille des casquettes entouré périphériquement d’une natte tressé à la Hacquard. Ce dit jeune homme - pas plus vieux que Hacquard - échangea, tout en parlant, quelques mots avec un autre voyageur, voyageant, lui-aussi, dans l’autobus servant à conduire les gens dans Paris à la recherche désespérée de Hacquard. Ce dernier jeune homme, d’un âge inférieur à celui de Hacquard, alla s’asseoir lentement et à petite vitesse, sur un siège où l’on s’assoit, devenu libre car la personne précédente en était partie, désespérée de ne point y avoir rencontré Hacquard.

Vers 4 heures 30 dans l’après-midi, je revois en regardant, le même jeune homme dont l’âge reste à déterminer, discutant, en parlant et en écoutant, avec un ami qu’il connaissait bien et qu’il appelait familièrement « mon petit Georges », à propos de ses boutons de pardessus, qui servaient à tenir attachée toute veste imperméable à la pluie, ainsi qu’aux Hacquards.


Place Rouge

LE COMMUNISTE

Dans cette production du peuple qu’est notre autobus collectiviste à une heure où les camarades rentrent gaiement de l’usine en fredonnant l’Internationale, un jeune ouvrier était coiffé d’un chapeau mou bordé d’une tresse en laine de Sibérie. C’était un jeune et beau soviet au long cou, beaucoup plus long que le cou capitaliste du camarade Hacquard. Ce jeune camarade fit une remarque a un autre camarade qui le bousculait et qu’il lui marchait sur les pieds. Un groupe de jeunes travailleurs descendit et notre ami soviet se précipita sur une place laissée libre et se plongea dans un volumineux ouvrage intitulé La Vie de Georges Hacquard.

Deux heures plus tard, je le revois Place rouge devant le Kremlin. Il est avec un camarade qui lui dit :

« Tu devrais faire remonter ton bouton. » Il était question du bouton supérieur de sa veste d’apparatchik.

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