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Les Bottes, par Louis Ferré

Article du 4 juin 2012, publié par PO (modifié le 5 juin 2012 et consulté 242 fois).

La Nouvelle vague fantastique : Table des matières


Les Bottes

Louis Ferré

Moi, Vincent de Manon, je veux vous raconter mon histoire. Tout le monde me regarde bizarrement, tout le monde a peur de moi. Mon collègue ne me parle jamais dans l’usine : il est toujours devant son journal. Il faut que vous soyez alertés et ce sera par l’intermédiaire d’un message. Les bottes me font mal, mais je ne peux pas les enlever. J’ai froid, je me sens seul, très seul.

Toute ma vie défile devant mes yeux et toi lecteur, si tu lis cette lettre, c’est que je suis mort. Ne mettez pas les bottes.

Tout a commencé à Paris alors que je fouillais dans une poubelle. J’avais trouvé ces bottes qui maintenant détruisent mon corps. Je les cachai chez moi. Je ne pensais qu’à ça. J’avais une bizarre envie de mettre ces bottes. Mes pensées étaient focalisées sur ces bottes, j’ignorai les cris de ma mère et les gens qui me regardaient. Puis des frissons s’emparèrent de moi. J’entendais des vagues murmures, des murmures bizarres. J’étais soucieux mais une envie folle m’incitait à mettre les bottes. Je rentrai donc vite chez moi et je mis les bottes. Une soudaine douleur s’empara de moi ; elle était tellement forte que tous mes sentiments de vie se dissipaient. Le pire était que j’étais incapable de les enlever.

Je voulus crier mais aucun son ne sortit de ma bouche. Comme si on m’en empêchait. J’entendais toujours ces murmures bizarres. Mais j’étais incapable de ne rien faire, alors je patientais dans mon salon à ne rien faire. Deux heures s’étaient écoulées environ avant que ma mère entre dans le salon : « Tu n’es pas à ton travail ? Et qu’est ce que tu fais là assis à ne rien faire ? » Je ne répondais point. Je n’avais pas envie de répondre. Et elle commença à hausser la voix en m’ordonnant de répondre. Mais je ne parlais pas. La rage montait en moi comme une envie meurtrière. Ma main se leva toute seule malgré moi. Elle se dirigea vers ma mère, puis mes jambes se levèrent, et avancèrent vers elle. J’étais incapable de faire quoi que ce soit. Quand je fus à proximité de ma mère, ma main incontrôlable se fondit sur elle et l’étrangla. Elle était morte. Je l’avais tuée ! C’était comme dans un cauchemar, cette fois j’avais repris le contrôle de moi-même. Je me décidai à fuir et je sortis de la maison en pensant à une cachette. Je songeai à celle près du vieux chêne au fond de mon jardin mais mes pieds m’entrainèrent vers la ville. Arrivé là-bas…

Je me réveillai quand il faisait nuit, dans une rue déserte, je ne me souvenais de rien. Je parvins quand même à me lever et à me diriger vers la maison. J’entendis à nouveau ces murmures terrifiants qui marmonnaient des mots incompréhensibles. Quand je rentrai dans le hall, je vis le cadavre de ma mère mais il n’y avait pas que le sien, il y avait aussi une dizaine de cadavres d’enfants. Horrifié, je me demandai d’où venaient ces malheureuses victimes. Puis je me posai cette question : et si c’était moi ?

Je rouvris les yeux la journée, encore inconscient, je me situai exactement à l’endroit où je travaillais, c’est-à-dire, l’usine. J’étais terrorisé et encore très soucieux. Et si j’avais encore commis un de ces horribles crimes ? Mais j’avais beau cherché partout, il n’y avait aucune trace de cadavres dans les environs. Et je partis de l’usine.

Deux jours s’étaient écoulés à peu près normalement à part le fait que mes bottes m’affaiblissaient. Je me promenais dans la rue quand je trouvai un journal déchiré avec écrit en grandes lettres : « Massacre de trois dizaines d’employés d’une usine ».

Pris par l’angoisse, je n’avais aucune idée de l’endroit où aller. Puis soudain la même douleur s’empara de moi. Je réentendis les murmures, les mêmes voix. Puis mon corps se dirigea vers ma demeure d’un pas vif. J’avais un sentiment de doute et de culpabilité, mais c’était la culpabilité qui domina le doute quand j’arrivai devant le hall. Derrière moi au bout de la rue, une dizaine de gendarmes se dirigeaient vers moi en me regardant. J’étais piégé ! Les gendarmes savaient que j’étais le vrai coupable ! Je courus vers le jardin, j’avais une chance de leur échapper car ils étaient encore loin derrière. Quand je me rapprochai du vieux chêne au fond du jardin, j’ouvris la trappe cachée derrière et je descendis avec l’échelle. J’étais maintenant quasiment sûr que les gendarmes n’allaient pas me retrouver.

Nous arrivons maintenant à la fin de mon histoire, je suis toujours caché sous cette trappe. Mes bottes me tuent lentement, alors autant que je mette fin à ma vie moi même.

Toute ma vie défile devant mes yeux, et toi, lecteur, si tu lis cette lettre, c’est que je suis mort.

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