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Montenot, Jean / Proust ou comment le roman se fait vie

Article du 3 septembre 2009, publié par PO (modifié le 3 septembre 2009 et consulté 2745 fois).

« On me lira, oui, le monde entier me lira… »

Marcel Proust est mort à Paris le18 novembre 1922, au 44 rue Hamelin, dans le petit meublé du XVIe arrondissement où il habitait depuis trois ans et qu’il décrit, non sans quelque exagération, comme « un ignoble taudis où tient tout juste son grabat » [1]. À cinquante et un ans, le défunt n’est pas encore aux yeux de ses contemporains le monument de la littérature qu’on se plait à célébrer aujourd’hui. Néanmoins, l’opinion des lettrés à son sujet a déjà commencé à bouger. Celui qui s’était complu dans les Plaisirs et les Jours (1896), « à décrire la splendeur désolée du soleil couchant et les vanités agitées d’une âme snob » [2] n’est plus celui que Gide qualifiait, encore vers 1912, de « mondain amateur ». Il est vrai que Proust n’avait alors publié outre Les Plaisirs qu’un certain nombre d’articles et quelques traductions du critique d’art britannique John Ruskin, ainsi que le premier volet de son grand œuvre, paru sous le titre Du côté de chez Swann, peu reçu et mal compris [3]. Aux yeux de ses premiers admirateurs, il est l’auteur d’une « miniature géante, pleine de mirages, de jardins surimposés, de parties jouées entre l’espace et le temps » [4]. Cela change sensiblement avec l’obtention du Prix Goncourt en 1919 pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs [5]. Cet « intermède languissant » [6] paru, l’année précédente, dans l’indifférence a devancé de peu, notamment grâce au soutien de Léon Daudet, les Croix de bois de Roland Dorgelès. Il en résulte un climat de vive polémique : « Place aux vieux ! », vitupère L’Humanité. Et Aragon de renchérir : « on n’aurait jamais cru qu’un snob laborieux fût de si fructueux rapport ». Quoi qu’il en soit, en 1922, on prend conscience que l’homme singulier qui vient de mourir n’est pas qu’un auteur de romans ordinaires. Conscient de son génie, Proust avait même fait part à Céleste Albaret, sa domestique depuis 1913 [7], de cette conviction qui, bien qu’il parle de lui à la troisième personne, n’est pas une rodomontade de mourant : « On me lira, oui, le monde entier me lira, et vous verrez, Céleste, rappelez-vous bien ceci… Stendhal a mis cent ans pour être lu, Marcel Proust en mettra à peine cinquante… ». Il ne s’est guère trompé – peu goûté des surréalistes et peu utile aux démonstrations des tenants d’une littérature politiquement engagée qui dominèrent la vie littéraire de l’entre-deux guerres – Proust n’a vraiment accédé au sommet du gotha littéraire qu’à la fin des années cinquante.

Qu’est-ce donc que la Recherche ?

Une fois tous les volumes parus (donc seulement en 1927), l’ensemble compte sept romans et au total plus de trois mille pages. À la mort de Proust, seulement quatre sections sont publiées : Du côté de chez Swann (1913) ; À l’ombre des jeunes filles en fleurs ; Le Côté de Guermantes (octobre 1920) ; Sodome et Gomorrhe (I le 2 mai 1921, II le 2 mai 1922). La Prisonnière, quasiment achevé à la mort de Proust, sort peu après en 1923. Les deux derniers, Albertine disparue (1924) et le Temps retrouvé (1927) doivent encore subir des retouches [8], même si pour l’essentiel le Temps retrouvé avait été rédigé depuis le début de l’entreprise. Le fil ténu, qui relie entre eux ces romans divers par le contenu et par le style, est le récit de la lente germination d’une vocation d’écrivain, celle du Narrateur, qui n’est pas Proust, mais dans lequel celui-ci a mis beaucoup de lui-même. La Recherche prend donc le lecteur à témoin des mouvements d’une conscience qui s’inspecte, qui se déchiffre, qui plonge au fond d’elle-même. À ce point de vue, La Recherche est bien l’illustration de ces livres que Proust appelle de ses vœux dans ses textes de jeunesse : « Un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c’est au fond de nous-mêmes, en essayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir » [9]. Assister à la récréation du Moi proustien, voilà qui n’aurait sans doute guère d’intérêt, si cette quête de soi n’était pas en même temps l’occasion d’une mise en scène d’un monde extraordinaire de personnages, de situations, d’idées, d’événements où les souvenirs et les jeux de la mémoire du Narrateur revêtent une importance aussi grande que les faits. On peut ainsi suivre d’un roman à l’autre à travers le kaléidoscope de la mémoire du Narrateur, les évolutions de quatre générations de plus de deux cents personnages de 1840 à 1918, ce qui apparente La Recherche à la Comédie humaine ou des Rougon-Macquart.

Le premier roman sans intrigue

Proust diffère cependant de Balzac et de Zola. Il a écrit le « premier roman sans intrigue, le premier qui soit dégagé de toute parenté avec la construction dramatique – exposition, nœud, dénouement – sous-jacente à toutes les grandes œuvres romanesques du XIXe sièce [10]. » L’œuvre est construite en boucle sur l’opposition du Temps perdu et du Temps retrouvé. Ce qu’atteste assez la profession de foi du Narrateur à la fin du dernier roman, justement intitulé Le Temps retrouvé (le dernier publié mais, pour l’essentiel, rédigé au début) : « Si du moins il m’était laissé assez de temps pour accomplir mon œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l’idée s’imposait à moi avec tant de force aujourd’hui, et j’y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu’ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes, - entre lesquelles tant de jours sont venus se placer - dans le Temps » [11]. Comme ceux que projette de ressaisir le Narrateur dans son livre à venir, les personnages de la Recherche ont bien cette épaisseur monstrueuse que le Temps confère à chaque être en lui assignant sa place immobile et spectrale dans la conscience intime de tous. C’est par des signaux concrets qu’ils émettent depuis ce lieu, à la fois intérieur et extérieur, et que mieux que tout autre l’art de Proust a su déchiffrer, rendre vivant et crédible pour autrui, en dépit des changements d’époques, de mœurs, de classes, bref de monde, que ces monstres continuent de faire rire, de toucher, d’émouvoir.

« Ça prend ! »

Ce Narrateur grave qui s’engage à lutter contre le temps et la maladie, et qui sait bien qu’il risque de ne pouvoir mener à terme son œuvre, ressemble fort à Proust au moment où, brisé par la mort de sa mère [12] et souffrant de violentes crises d’asthme qui le tyrannisent depuis l’enfance, il prend conscience de ce qu’il veut faire. On peut dater ce moment, celui de la vocation de l’œuvre distincte de la vocation d’écrivain. Proust se sait écrivain depuis longtemps. Il a déjà remisé dans ses tiroirs le manuscrit de Jean Santeuil – un roman autobiographique rédigé entre 1895 et 1899 [13], puis abandonné par l’auteur, notamment au motif qu’il n’a pas encore assez détaché ses personnages de la réalité. L’ouvrage comporte cependant nombre d’éléments préfigurant La Recherche, ne serait-ce que la scène d’introduction où la mère de Jean Santeuil ne vient pas lui dire bonsoir « pour l’endurcir ». Ce que Proust comprend à ce moment crucial où celui qui avait « tous les éléments d’un enfant gâté » serait devenu « un vieil enfant gâté », c’est avant tout la forme dans laquelle son œuvre doit s’accomplir. Paradoxalement, par une sorte de ruse de la raison créatrice, Proust, pour qui « une œuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix » [14], tire le projet de la Recherche d’un essai théorique avorté. Le jeune écrivain amateur hésitait entre la forme de l’essai et celle du roman, lorsqu’il a entrepris d’exposer ses conceptions esthétiques dans une texte de critique polémique dont les fragments ne seront publiés qu’en 1954, sous le titre Contre Sainte-Beuve. Ce critique illustre, dont les idées dominaient la discipline, exigeait qu’on appréciât une œuvre en se fondant sur une connaissance de la vie intime de l’artiste, sa méthode consistant « à ne pas séparer l’homme de l’œuvre ». Proust, lui, entendait faire valoir qu’une œuvre littéraire, produit du moi intime, n’est pas commensurable aux notations, aux relèvements et aux observations biographiques. C’est peu après le refus par le Figaro de publier le Contre Sainte-Beuve, que Roland Barthes, très bon connaisseur de l’œuvre, fixe « intuitivement » le moment où, selon son expression, « ça prend » [15]. Ce serait en septembre 1909, en écrivant les premières versions de Combray, et du Temps retrouvé que Proust aurait su enfin ce qu’il voulait faire. Sans qu’on puisse attacher à ce moment un événement d’ordre biographique significatif sinon celui-là même de la prise de conscience de l’œuvre à faire, Proust a enfin trouvé sa manière. Il hésitait. Désormais, il n’hésite plus et il n’hésitera plus.

« Bâtir une cathédrale dans sa chambre »

Proust sait comment faire jouer ensemble les pièces, auparavant détachées, de sa partition. Tous les éléments qui existaient partes extra partes, et qui, de ce fait, n’étaient qu’exercices de style, autobiographies avortées, pastiches, mélanges, correspondance mondaine ou intime, sans lien entre eux, prennent tout à coup place et sens dans une composition symphonique plutôt qu’architecturale. Ils deviennent les multiples excroissances d’une œuvre organique, désormais en mouvement d’augmentation continu de l’intérieur, une œuvre qui n’a cesse de s’enrichir par intussusception. Tout ce qui précédait qui n’était que hors-d’œuvre, transfiguré par l’œuvre, la sert et la nourrit. Pour le Proust de la maturité, une seule règle formulée par le Narrateur, dans Le Temps retrouvé, chercher les lois du réel, dégager des types humains de cette gangue d’irréalité que fait justement peser sur eux les intentions descriptives d’un parti pris esthétique trop réaliste. « Là où je cherchai de grandes lois, on m’appelait fouilleur de détails. […] Personne n’y compris rien » [16]. La suite ? D’incessants remaniements de l’œuvre jusqu’à la fin. En 1912, tandis que Jacques Copeau refuse d’en publier des extraits dans la Nouvelle Revue Française et que Gaston Gallimard refuse le manuscrit de la Recherche, Proust ne projette encore que trois volumes. Le titre alors envisagé est « Les Intermittences du cœur ». Il est vrai qu’il est beaucoup question d’amour et de jalousie dans le monde de Proust. Même quand est sorti Du Côté de chez Swann, le lecteur sans préjugés ne pouvait se rendre compte de ce qu’il lisait, et ce d’autant plus, que, par un procédé qui apparente Proust aux ancêtres picaresques du roman, le récit de Swann, intitulé « Un amour de Swann » est une sorte de roman dans le roman. Le plus perspicace des premiers lecteurs, Jacques Rivière qui n’a alors que vingt-six ans, a « deviné », dès 1914, que le livre est « un ouvrage dogmatique et une construction » [17], et cela en dépit du soin qu’à eu Proust de dissimuler la chose au public : « J’ai trouvé plus probe et plus délicat de ne pas laisser voir, de ne pas annoncer que c’était justement à la recherche de la Vérité que je partais, ni en quoi elle consistait pour moi. Je déteste tellement les ouvrages idéologiques où le récit n’est tout le temps qu’une faillite des intentions de l’auteur […]. Ce n’est qu’à la fin du livre, une fois les leçons de la vie comprises, que ma pensée se dévoilera ». Osons ici une autre hypothèse : ce qui s’est peut-être passé dans la vie de Proust entre 1905 et 1909, c’est qu’il a enfin compris les leçons de sa propre vie et que sa pensée commence à se dévoiler à lui-même. Cette vie qu’il a menée à la surface de lui-même, hors de lui, Proust va dans le temps qui lui reste la recommencer et recréer ce monde qu’il perd et qui le perd : le chauffeur de Taximètres, devenu aviateur, le bel Alfred Agostinelli, que Proust aimait profondément et qui mort accidentellement revivra partiellement sous les traits d’Albertine, l’amour déçu du Narrateur. Reclus dans son appartement du Boulevard Haussmann, il s’atèle par l’écriture, à « bâtir une cathédrale dans sa chambre » [18]. Dès lors que l’ampleur de la tâche condamnait l’œuvre à l’inachèvement, celle-ci ne pouvait qu’être inachevée. On peut même douter que Proust, compte tenu de la façon dont il concevait son travail, se soit jamais résolu à cesser de remanier l’ensemble. À en juger par la manière dont il noircit de ses corrections les feuillets dactylographiés que lui remettaient ses éditeurs, ou par sa tendance à user et abuser des fameuses « paperolles » [19], La Recherche mérite plus que tout autre le qualificatif d’œuvre palimpseste [20].

La place de la madeleine

À trop présenter l’œuvre sous l’angle des intentions et des affirmations théoriques de Proust ou de son double, le Narrateur, on risque de fausser la perspective. On ne peut pas pour autant prononcer le nom de Proust sans évoquer l’épisode de la fameuse madeleine. Selon l’un de ses bons biographes [21], celui-ci aurait été transposé d’une expérience effectivement vécue par Proust, à ceci près que la madeleine aurait été dans la réalité une biscotte ! Jean-François Revel, dans son essai sur Proust, qu’Angelo Rinaldi, a justement qualifié « d’oasis d’intelligence », a été bien inspiré de redresser un peu l’image d’un Proust, fin psychologue, profond philosophe et phénoménologue avant la lettre, voire théoricien avant-gardiste du style. On ne peut, comme lui, s’empêcher quand on relit la Recherche, « de sauter bien des pages » lorsqu’on voit « venir un de ces bateaux proustiens, voguant sur les flots de la mémoire involontaire » [22]. Et Revel, un rien iconoclaste de confesser que « ces passages, à commencer par l’histoire de la madeleine, [lui ont] toujours fait penser à une narration de classe de troisième » [23]. De quoi s’agit-il ? Du mécanisme de la mémoire involontaire, lieu commun des psychologues de la fin du XIXe siècle, influencés par l’associationnisme. La mémoire vraie serait ainsi déclenchée par une sensation présente évocatrice de tout un passé enfoui. « Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir ». Ainsi le Narrateur peut conclure : « Tout Combray […] est sorti de ma tasse de thé ». L’art de Proust, où plutôt celui du Narrateur, consisterait, à ses yeux du moins, dans cette aptitude à pénétrer au plus intime de la conscience pour y faire jouer les harmoniques et les chatoiements de réminiscences que des rapprochements fortuits de sensations éveillent en lui.

Humour et cruauté

Si le génie a peut-être ses longueurs parfois ennuyeuses, il peut aussi avoir ses raccourcis vifs et plaisants. Proust n’est pas que le secrétaire de son esprit sensible. La Recherche tient autant sinon davantage par l’extraordinaire drôlerie des personnages et des scènes racontées. S’il arrive au côté Nerval de Proust d’ennuyer le lecteur, si l’on ne peut pas ne pas souffrir un peu devant le luxe précieux de certaines descriptions, il y a, pour contrebalancer, le côté Saint-Simon, celui du mémorialiste inégalé de son temps, ayant le sens étonnant du raccourci et brossant des tableaux de mœurs bien plus cruels qu’impressionnistes, et bien réels ceux-là. Ce génie du pastiche et de la caricature excelle dans la critique acerbe, mais toujours pleine d’humour à base d’understatement, des intellectuels, du chauvinisme, des salons nationalistes, des perversions de l’inversion, dans l’évocation de la monstrueuse parade des vices et des vertus humaines parfois concentrés et fondus dans les mêmes personnages, fixés dans les scènes les plus cocasses. Non, la gloire de Proust n’est pas usurpée, qu’on en juge par ce croquis parmi tant d’autres : « À côté de nous, un ministre d’avant l’époque boulangiste, et qui l’était de nouveau, passait, lui aussi, en envoyant aux dames un sourire tremblotant et lointain, mais comme emprisonné dans les mille liens du passé, comme un petit fantôme qu’une main invisible promenait, diminué de taille, changé dans sa substance et ayant l’air d’une réduction en pierre ponce de soi-même » [24].

À la gloire des Larivière

C’est un lieu commun que d’affirmer que la littérature donne à des personnages de fiction plus de réalité et de consistance qu’aux êtres réels. Pourtant, il arrive à Proust de contourner en apparence cette règle de l’art. Témoin ce passage, au fond assez émouvant [25], du Temps retrouvé, où le Narrateur, qui a ici bien des accents de Proust lui-même, joue avec ses lecteurs : « Or, on avait vu cette chose si belle qui fut si fréquente à cette époque-là dans tout le pays et qui témoignerait s’il y avait un historien pour en perpétuer le souvenir, de la grandeur de la France, de sa grandeur d’âme […]. Un neveu de Françoise avait été tué à Berry-au-Bac qui était aussi le neveu de ces cousins millionnaires de Françoise, anciens cafetiers retirés depuis longtemps après fortune faite. Il avait été tué, lui tout petit cafetier sans fortune qui à la mobilisation, âgé de vingt-cinq ans, avait laissé sa jeune femme seule pour tenir le petit bar […]. Il avait été tué. Et alors on avait vu ceci. Les cousins millionnaires de Françoise et qui n’étaient rien à la jeune femme, veuve de leur neveu, avaient quitté la campagne où ils étaient retirés depuis dix ans et s’étaient remis cafetiers, sans vouloir toucher un sou […]. Dans ce livre où il n’y a pas un seul fait qui ne soit fictif, où il n’y a pas un seul personnage "à clefs", où tout a été inventé par moi selon les besoins de ma démonstration, je dois dire à la louange de mon pays, que seuls les parents millionnaires de Françoise ayant quitté leur retraite pour aider leur nièce sans appui, que seuls ceux-là sont des gens réels, qui existent. Et persuadés que leur modestie ne s’en offensera pas pour la raison qu’ils ne liront jamais ce livre, c’est avec un enfantin plaisir et une profonde émotion que […] je transcris ici leur nom véritable : ils s’appellent, d’un nom si français, d’ailleurs, Larivière » [26]. Il est touchant que Proust, parmi la faune secondaire de la Recherche, aux confins du réel et de l’imaginaire, ait choisi d’honorer de tels caractères.

Lire, octobre 2005

Notes.

[1Marcel Proust, Correspondance générale I, Plon 1930, p. 290.

[2Anatole France, Préface à les Plaisirs et les Jours, L’imaginaire Gallimard, p. 8.

[3On trouve dans Combray cette phrase étrange (qui n’a pas échappé à la sagacité de Gide) où il est question d’un « front […] où les vertèbres transparaissaient comme les points d’une couronne d’épines ou les grains d’un rosaire […] ». Quelles que soient les explications savantes qu’on en peut donner, la plus simple est de dire que Proust à force de filer les métaphores en avait, une fois n’est pas coutume, perdu le fil.

[4Jean Cocteau, dans L’Excelsior du 23 novembre 1913, recension critique à Du côté de chez Swann.

[5Un des titres envisagés pour l’ouvrage était : « la colombe poignardée ».

[6C’est ainsi que le qualifie Proust lui-même (Lettres à la N.R.F. Gallimard, p. 111).

[7Cette auvergnate, véritable « courrière » et « vestale » de l’œuvre, est un des modèles du personnage de Françoise dans la Recherche.

[8Robert Proust, avec jusqu’en 1925, l’aide de Jacques Rivière, s’en sont chargés.

[9Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve, GF-Corpus, p. 148.

[10Proust, volume collectif collection « Génies et réalités », Hachette, 1965, p. 65.

[11Le Temps retrouvé, Gallimard 11e édition, tome II, p. 251.

[12« Elle emporte ma vie avec elle » écrit-il à Mme de Noailles.

[13Il n’a été publié qu’en 1952, par Bernard de Fallois.

[14Ainsi s’exprime le Narrateur dans Le Temps retrouvé, Gallimard 11e édition, tome II, p. 30.

[15Roland Barthes, Le Magazine littéraire, Janvier 1979, n°144 repris tel quel dans le n° 350 Janvier 1997.

[16Le Temps retrouvé, Gallimard 11e édition, tome II, p. 251.

[17Marcel Proust, À Jacques Rivière, 7 février 1914.

[18Jean Cocteau, La difficulté d’être.

[19Le Temps retrouvé, Gallimard 11e édition, tome II, p. 242.

[20« Proust palimpseste » est le titre d’un article de Genette sur le statut de la métaphore dans chez Proust paru dans Figures I, Point Seuil p. 39.

[21George D. Painter, Marcel Proust 2 vol. Mercure de France1966, rééd. 1985, T. II p. 164 sqq.

[22Jean-François Revel, Sur Proust, Une lecture non conformiste de « À la recherche du temps perdu », Juillard 1960, rééd. Denoël, 1970, p. 34.

[23Ibid. p. 32.

[24Le Temps retrouvé, Gallimard 11e édition, tome I, p. 125.

[25Passage très singulier qui, en termes de technique littéraire, est l’équivalent de la scène où Quichotte découvre ses aventures à la composition dans l’imprimerie.

[26Le Temps retrouvé, Gallimard 11e édition, tome I, p. 207.

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