Sommaire

Sommaire

Recherche

Nous suivre

newsletter facebook twitter

Connexion

Vous n'êtes pas connecté.

Montenot, Jean / Zola, le physiologiste des passions humaines

Article du 8 janvier 2009, publié par PO (modifié le 13 février 2009 et consulté 1069 fois).

Zola est l’un des auteurs français les plus lus au monde. Il doit cette célébrité, pour l’essentiel, à ses Rougon-Macquart, un cycle de vingt romans formant autant d’histoires distinctes, mais reliés entre eux « par un lien puissant qui en [fait] un seul et vaste ensemble ». Avec cette « histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire », Zola a fouillé « au vif même du drame humain » [1]. Mais sa gloire est aussi liée à un engagement politique conjoncturel, à son fameux « J’accuse… ! Lettre au Président de la République », parue le 13 janvier 1898 en première page de l’Aurore. L’article unit dans la mémoire collective les noms de Zola et de Dreyfus. Au-delà du tour nouveau que prit l’affaire à la suite de son intervention, cet engagement a fait de ce fils d’immigré italien l’incarnation du courage intellectuel et de la vertu républicaine. Courage véritable, car Zola a payé cher son engagement : il a non seulement dû renoncer à l’Académie française – ce qui n’était pas rien à ses yeux –, mais aussi s’exiler à Londres jusqu’en juin 1899, pour ne pas connaître l’humiliation de la prison. « Jamais mon cœur n’a traversé une crise plus affreuse » dit-il dans ses Pages d’exil. Il y a peut-être même laissé la vie ! Sa mort par asphyxie, survenue le 29 septembre 1902 et jugée alors accidentelle, pourrait avoir été la conséquence funeste de la malveillance volontaire d’un couvreur, un certain Henri Buronfosse, par ailleurs membre d’une ligue nationaliste, et qui a déclaré, bien plus tard, avoir délibérément bouché la cheminée du 21 rue de Bruxelles. Mais au-delà de ces deux images justement légendaires, le « bœuf de labour du naturalisme » et l’imprécateur de l’affaire Dreyfus, qui était Zola ?

« Les années de larmes »

Né à Aix-en-Provence en 1840, les débuts de Zola dans la vie ne sont pas ceux d’un enfant gâté. Il a à peine sept ans quand meurt son père, Francesco Zola, ingénieur lourdement endetté dans l’entreprise de construction du canal d’Aix. Sa veuve, empêtrée dans les procédures, ne peut plus subvenir aux besoins de la famille : « l’aisance fait place très vite à la détresse. Il faut tomber de logis en logis [2] ». Seule éclaircie dans ces sombres débuts : les amitiés de collège – pas n’importe lesquelles – celle de Paul Cézanne, le futur peintre, et celle de Jean-Baptistin Baille. Le petit groupe rêve de Paris, de gloire littéraire, s’enthousiasme pour Hugo ou pour la Dame aux Camélias. Bref, le fond de sauce romantique de la personnalité zolienne, sans lequel on ne saurait comprendre ni l’homme privé, ni ses engagements ultérieurs. Mais les rêves et les idéaux tournent courts. Monté à Paris, Zola y échoue une première fois au baccalauréat, alors « véritable certificat de bourgeoisie », puis une seconde, quelque mois plus tard, à Marseille, à cause d’une sale note… en français. Recalé deux fois, Zola, un écrivain du bac, pas même bachelier ! Le jeune homme se réfugie dans le rêve, écrit des vers, beaucoup de vers, une œuvre poétique assez mièvre à en juger par ce qui a pu en être conservé. Du Musset ou du Lamartine au petit pied. Poète, Zola l’est devenu plus tard, à sa manière, dans son œuvre de romancier, « avec le rude outil de la prose » [3], ainsi qu’il l’écrit lui-même en 1882 : « Il est certain que je suis un poète et que mes œuvres sont bâties comme de grandes symphonies musicales ». Pour l’heure, il est encore « ce gros garçon plein de naïvetés enfantines » que décrivent les Goncourt [4]. Et pour le reste, le romancier qui a fait de « l’instinct génésique » et des passions sexuelles un des ressorts essentiels de ses personnages est un homme chaste. Le jeune poète n’a, en effet, rien d’un coureur. Il vit dans un meublé sordide de la rue Soufflot et, candide, il veut même épouser la prostituée qui l’a déniaisé, une certaine Berthe, transposée dans son premier roman, La Confession de Claude, sous les traits de Laurence : « Toute la saleté humaine dressée devant [lui] ».

À la force du poignet

Zola connaît la gêne, la misère même. Il a mis « jusqu’à sa redingote au clou ». Quand, dans ses romans ultérieurs, il se fera le peintre de la pauvreté, ce sera en connaisseur, car il l’aura vécue de l’intérieur, pas en chiqué, pas pour la montre. Qui plus est, comme il le fait dire au narrateur de la Curée (1873), « être pauvre, à Paris, c’est être pauvre deux fois » [5]. Mais Zola est riche d’une formidable volonté d’être quelqu’un qu’alimente le désir de rendre à sa mère le rang qu’elle a perdu. Il est aussi animé d’une grande confiance en soi. Son insatiable curiosité pour la littérature et les arts laisse penser que sa bohême a été studieuse. Naturalisé français en 1862, sa chance, si l’on peut dire, a été d’éviter par tirage au sort le service militaire et d’avoir ainsi pu entrer comme employé de bureau chez l’éditeur Louis Hachette (février 1862). Très vite promu responsable de service, il y fait ses vraies universités en lisant les maîtres de l’époque : Hyppolite Taine, Émile Littré, Claude Bernard, les grands ouvrages de vulgarisation scientifique. Chargé de lire les nouveautés, il se fait un carnet d’adresse parmi les auteurs du catalogue. Ses premières nouvelles, ses premiers articles critiques – car Zola s’est aussi lancé dans la course à la pige journalistique – et ses premiers romans montrent qu’il a le sens de la provocation et de la formule ; son « J’accuse » vient de loin. Il défend Manet et les peintres paysagistes contre les maîtres de la peinture académique et réunit ses critiques d’art dans Mon Salon, et ses critiques littéraires dans Mes Haines. Thérèse Raquin est son premier coup de maître. À vingt-sept ans, le petit Zola, chroniqueur insolent et irritant, s’est à la force du poignet fait un nom dans le milieu de la presse et la littérature. Il a l’esprit d’équipe aussi, et il s’est adossé à une doctrine et à un mouvement littéraires, le naturalisme, dont il fut sinon l’inventeur unique, du moins le théoricien le plus cohérent et le promoteur le plus constant.

« Un coin de création vu à travers un tempérament »

« Peignez la vie toute nue, la vie banale telle qu’elle est ; analysez-là avec conscience, et vous verrez le public intelligent se pencher sur votre œuvre […]. Il nous faut des œuvres de vérité en cet âge de science », tel est le credo de Zola au moment où il s’engage dans la rédaction de Thérèse Raquin. Parti pris des choses donc, nécessité des vues d’ensemble, mises à jour des mécanismes où interagissent le milieu, le moment et la race, le réalisme naturaliste de Zola ne se contente cependant pas de surfer sur la vague positiviste du moment. Il y ajoute un condiment essentiel : « j’exprimerai toute ma pensée en disant qu’une œuvre d’art est un coin de création vu à travers un tempérament » (M. Taine, artiste, article du 15 février 1866). « Tempérament », mot clé de l’œuvre de Zola, mot qui renvoie chez lui à la physiologie, au corps et au sexe. Dans le Journal des Goncourt en date du 14 décembre 1868, on peut lire cette déclaration que leur aurait faite Zola : « les caractères de nos personnages sont déterminés par les organes génitaux. C’est du Darwin ! La littérature, c’est ça ». Des provocations de jeune homme ? Sans doute, mais Zola ne parle pas en l’air. L’âpre vérité, la vérité toute nue exige avant tout de l’écrivain artiste qu’il ait du tempérament. « Si aucun tempérament ne les pousse, les habiles [comprendre les écrivains ordinaires, les hypocrites qui flattent la foule], ont raison de travailler dans la vertu plutôt que dans le vice ».

Le physiologiste des passions humaines

Dans la Préface à la deuxième édition de Thérèse Raquin (avril 1868) Zola, abusant du vocabulaire de la psychopathologie, se défend contre la critique qui l’accuse d’avoir versé dans le putride et de s’être complu dans la fange. Ses personnages, il le concède volontiers, ne sont pas d’abord des caractères, ni des psychologies, mais avant tout des tempéraments et des physiologies pris dans le mouvement d’un « drame violent ». Leur éréthisme en fait des êtres « souverainement dominés par leurs nerfs et par leur sang, dépourvus de libre arbitre, entraînés à chaque acte de leur vie par les fatalités de leur chair. Thérèse et Laurent sont des brutes humaines, rien de plus […] Les amours de [ses] héros sont le contentement d’un besoin ; le meurtre qu’ils commettent une conséquence de leur adultère, conséquence qu’ils admettent comme les loups acceptent l’assassinat des moutons ». Zola se veut ainsi le romancier physiologiste des passions humaines : il sera à la littérature ce que Claude Bernard est à la médecine. Il compare volontiers ses romans au laboratoire du physiologiste qui étudie l’interaction des organes et du milieu, faisant « sur deux corps vivants le travail analytique que les chirurgiens font sur des cadavres » [6]. Pornographe, obscène, lui ? Allons, donc ! Si l’âme est absente, s’il répugne à l’explorer comme un Dostoïevski ou un Paul Bourget, c’est qu’il a voulu se conformer aux principes d’une esthétique scientifique, matérialiste et positiviste que Zola veut moderne. Pour comprendre le mécanisme des actions humaines, il faut les rapporter aux pulsions naturelles, aux humeurs du corps et à la passion de l’argent et non les édulcorer avec les préjugés de la psychologie. « L’homme métaphysique est mort, tout notre terrain se transforme avec l’homme physiologique ». De ses convictions esthétiques, de ses premiers succès d’estime, et, il faut le reconnaître, du besoin de faire bouillir la marmite, naît le projet des Rougon-Macquart. Ce sera sa Comédie humaine à lui, mais écrites selon ses principes. Zola y montrera « les ressorts cachés, les fils qui font mouvoir le pantin humain […] le cœur et le cerveau mis a nu » lit-on dans la présentation générale de ce qui s’appelle encore les Rougon-Machard. « Je désire peindre l’assouvissement d’une famille lancée dans la fièvre d’appétits du second Empire ». Méthodique et discipliné, Zola s’attelle, pour un quart de siècle, à une entreprise qui devait initialement tenir en dix épisodes et qui, à la fin, en compte vingt. Du premier volume, La Fortune des Rougon (1871), qui relate les origines de la famille dans le contexte du « viol de la France » après le coup d’État, au Docteur Pascal (1893), censé « résumer toute la signification philosophique de la série » [7], Zola compose une œuvre dont certains titres, comme l’Assommoir, Germinal, Nana ou la Bête humaine figurent parmi ses best-sellers.

Le kaléïdoscope zolien

L’histoire d’une famille ? Plutôt, des histoires qui relatent les destinées particulières des membres des deux branches d’une famille, l’une légitime, les Rougon, l’autre bâtarde, les Macquart. Deux lignages issus d’une même névrose, celle d’une certaine Adélaïde Fouque, « tante Dide ». Sur cinq générations, Zola scrute « le travail secret qui donne aux enfants d’un même père des passions et des caractères différents à la suite des croisements et des façons particulières de vivre ». Mais il ne faudrait pas croire que Zola a tout écrit d’un même ton, ni d’un même pas, il varie et change de style. Il veille à ne pas lasser son public avec un quelconque esprit de système. Il passe ainsi du roman sombre et noir au style poétique, de la description à l’action, du sexe le plus cru comme dans la Terre, à des romans plus « jean-jean » comme Une Page d’amour ou Le Rêve. S’il ne s’embarrasse pas toujours de respecter scrupuleusement les professions de foi scientifiques, parfois lourdement scientistes, de ses écrits théoriques, Zola a toujours le souci de l’exactitude : le théoricien du roman expérimental étudie attentivement les milieux et le cadre dans lequel il construit ses drames et place ses personnages. Il est descendu dans la mine pour écrire Germinal. Il a fait le trajet entre Paris et Le Havre dans la locomotive pour la Bête humaine. Pour L’Assommoir, il a arpenté le quartier de la Goutte d’Or et y a fait moisson de langage populaire authentique. Pour La Faute de l’abbé Mouret, afin ne pas commettre d’erreurs sur la liturgie catholique, il a même assisté, missel en main, à une messe ! Zola se documente scrupuleusement. La lecture de ses études préparatoires ou de ses ébauches ne laisse pas de doute sur sa probité de « romancier reporter », voire d’ethnologue ou de sociologue avant la lettre.

« De la morale en action, simplement »

Le succès n’est pas immédiat. Ce n’est qu’avec le septième volume de la série, L’Assommoir (1877) que le pari est gagné : il devient en quelques semaines l’écrivain français le plus célèbre de son époque. L’histoire de Gervaise Macquart, une blanchisseuse qui vit dans le quartier de la Goutte-d’Or touche le grand public. Avec ses deux garçons, Claude et Étienne, que lui a laissés son amant Auguste Lantier, Gervaise a cru, en épousant le zingueur Coupeau, pouvoir sortir de la misère. Il semble que la roue ait tournée, que le chemin de la rédemption se soit ouvert. Ils ont même une fille, Nana. Mais le destin – ou plutôt sa forme moderne, zolienne – la fatalité sociale s’en mêle : Coupeau tombe d’un toit, victime d’un accident du travail. Il se met à boire et Gervaise se prostitue. Une longue descente en enfer s’amorce. « J’ai voulu peindre la déchéance fatale d’une famille ouvrière, dans le milieu empesté de nos faubourgs. Au bout de l’ivrognerie et de la fainéantise, il y a le relâchement des liens de la famille, les ordures de la promiscuité, l’oubli progressif des sentiments honnêtes, puis comme dénouement, la honte et la mort. C’est de la morale en action, simplement » [8] résume Zola dans la préface. Le roman fait date non seulement dans l’œuvre de Zola, mais plus généralement dans l’histoire littéraire : il fait suite au Balzac des Paysans et préfigure Céline ou Queneau en faisant entrer le vocabulaire et la syntaxe populaires en littérature. On y entend la voix du peuple parisien : il a « coulé dans un moule très travaillé la langue du peuple ». Zola s’est fait le philologue du peuple.

« Pot-Bouille à domicile »

À trente-sept ans, Zola est un écrivain reconnu et lu, riche même, suffisamment pour être indépendant, « le gain légitimement réalisé sur ses ouvrages » le libère d’avoir à chercher, comme certains de ses contemporains, des « protections humiliantes » [9]. À cinquante ans, il est président de la Société des gens de lettres (1891) et lorgne vers l’Académie. Il s’y est présenté plusieurs fois, mais comme c’est un tenace, les portes ne vont pas tarder à s’ouvrir, c’est sûr. Ça aura seulement été un peu plus long que pour d’autres, plus habiles et partis de moins bas que lui. Un homme rangé donc, arrivé, qui aspire à la tranquillité pour élever ses deux enfants issus d’une liaison extraconjugale avec sa jeune lingère de vingt ans, un adultère bourgeois – « Pot-Bouille à domicile » [10]. Bref, un homme assagi, en apparence du moins. Au moment de la moisson des honneurs – et, lui, si revanchard, ne fait pas semblant d’y être insensible – il remet pourtant tout en cause : Zola s’expose, entre dans l’arène, fend l’armure qu’il s’était faite de son œuvre.

« Le juif crucifié »

Par son travail, Zola, « le républicain qui ne vit pas de la République », avait gagné sa place dans l’histoire littéraire, le voilà maintenant qui, avec l’affaire Dreyfus, entre, par son courage, dans l’Histoire tout court. Le moment est critique. Le tribunal militaire vient de blanchir un vrai coupable, Esterhazy. La cause paraît perdue pour les partisans de l’infortuné prisonnier de l’île du Diable. Certains se découragent même. C’est l’article de Zola, qu’on est allé chercher et « qu’on a mis dans le coup » [11], qui (re)lance l’affaire. On pourrait croire au coup de sang d’un écrivain en mal d’émotions et dont la vaine se tarit. En fait, il s’agit un calcul prémédité, d’un piège pour contraindre les adversaires de Dreyfus à l’attaquer pour diffamation, et ainsi arracher le procès des mains des seuls magistrats militaires. Zola journaliste et polémiste écrit un de ces articles qui font l’honneur de la presse, auquel cette dernière manque parfois, un texte qui, bien plus qu’une élection à l’Académie, ont fait de lui un immortel, un « juste » se plairait-on à dire maintenant. Il s’est mis lui-même au milieu du tumulte. Hué, caricaturé, traité de « juif », de « métèque », « d’italien », il prend sa part de la croix de ce « juif crucifié » que fut Alfred Dreyfus. À son procès, il se fait assez bon prophète de sa propre postérité : « Je n’ai pas voulu que mon pays restât dans le mensonge et l’injustice. On peut me frapper ici. Un jour, la France me remerciera d’avoir aidé à sauver son honneur ».

Zola, l’évangéliste

Contrairement à Balzac qui a laissé inachevée sa Comédie humaine, Zola, lui, a bouclé la boucle. Avec Le Docteur Pascal (1893) dont le personnage central, Pascal Rougon, tient à la fois de Claude Bernard et de Zola lui-même, et qui est « l’homme digne et équilibré de l’œuvre », « après tant de Rougon terribles, après tant de Macquart abominables » [12], Zola a tiré tout le parti de son postulat initial sur le rôle de la physiologie et de l’hérédité dans les destinées humaines. Il a donné une existence littéraire à la foule que la révolte soude (les mineurs de Germinal), à la machine (la locomotive de la Bête humaine), à la Bourse en ébullition (la guerre de Saccard et de Gundermann dans le final de L’Argent). Restait l’autre Zola, moins connu, plus tourmenté, plus spirituel peut-être, plus naïf, plus poétique, plus proche sûrement de l’enfant et de l’adolescent qu’il fut, celui pour qui le « ressort sexuel » n’est plus le fond déterminant. Tout en se défendant de l’atmosphère de religiosité renaissante et de la mode de l’idéalisme qui fait suite à la génération des Renan et des Taine, Zola a perçu les impasses d’une science « incapable de repeupler le ciel qu’elle a vidé, de rendre le bonheur aux âmes dont elle a ravagé la paix naïve ». C’est ce Zola qui entame un second cycle romanesque intitulé – Trois villes : Lourdes (1894), Rome (1896) et Paris (1897). Il y narre histoire d’un prêtre, Pierre Froment, qui perd la foi parce qu’il est travaillé non par ses sens, mais par un désir de justice. C’est bien l’auteur de Trois villes qui a écrit le « J’accuse », parce que, au terme d’une évolution intérieure, il est, comme son héros, dévoré par un même désir de justice, non plus pour lui, mais aussi pour les autres. Justice est d’ailleurs le titre projeté du dernier roman du dernier cycle, celui des Quatre Évangiles, et qui devait compléter – si la mort accidentelle (?) ne l’avait pas interrompu –, Fécondité (1899), Travail (1901) et Vérité (1902). Commencé en exil, ce cycle tranche avec le soubassement satirique des Rougon-Macquart où l’humanité en prend pour son grade. Zola se lance dans un « cantique de bonté et de tendresse ». Ce Zola, peu connu sinon méconnu, est bien celui qui à la fin du Docteur Pascal entonne un hymne à « la vie, la vie qui coule en torrent et recommence, vers l’achèvement ignoré ! la vie où nous baignons, la vie aux courants infinis et contraires, toujours mouvante et immense, comme une mer sans bornes ! » Lyrique, au fond, Zola.

Lire, septembre 2007

Notes.

[1Zola,Présentation générale des Rougon-Machard.

[2Henri Guillemin, Zola, Légende et vérité, UGE, p. 11.

[3Lettre préface à une édition de ses poèmes de jeunesse par P. Alexis, 1er décembre 1881.

[4Edmond et Jules de Goncourt, Journal, 25 janvier 1875.

[5Émile Zola, La Curée, p. 98.

[6Zola, Écrits sur le roman, « Préface à la seconde édition de Thérèse Raquin », LdP, p. 100.

[7Extrait de l’ébauche du roman.

[8Émile Zola, L’Assommoir, Préface, Le Livre de Poche, p. 7.

[9« L’argent dans la littérature », mars 1880.

[10Henri Guillemin, Zola, Légende et vérité, UGE, p. 37.

[11Henri Guillemin, Zola, Légende et vérité, UGE, p. 39.

[12Émile Zola, Le Docteur Pascal, Folio classique, 1993.

École alsacienne - établissement privé laïc sous contrat d'association avec l'État

109, rue Notre Dame des Champs - 75006 Paris | Tél : +33 (0)1 44 32 04 70 | Fax : +33 (0)1 43 29 02 84