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Un parisien à Florence

Article du 27 novembre 2009, publié par PO (modifié le 27 novembre 2009 et consulté 415 fois).

Un parisien à Florence

par Cyprien de Hautecloque, Jonas Mordzinski et Nicolas Lazareff

Par un beau matin de juin, j’arrivai – après un long voyage – aux portes de Florence. Je profitais des noces de ma nièce Maria pour visiter la capitale de la Toscane. Depuis mon départ de Paris j’étais impatient de voir la plus belle cité d’Italie. J’avais entendu parler depuis des années de ses palais, de ses cathédrales, de ses artistes, de ses commerçants... Enfin j’allais les voir.

Je devais loger au palais de mon beau-frère. Après avoir fait fortune dans le commerce de la laine, il avait acheté cette demeure. Comme il se faisait tard, je décidai de m’y rendre immédiatement. Sa beauté me stupéfia : ses façades étaient ornées de fenêtres de style médiéval. Le décor presque inexistant me parut très sobre, très régulier, très symétrique. Seules les armes de la future famille de Maria apparaissaient en bas-relief. La maison aux lignes géométriques très pures comportait plusieurs étages.

Emerveillé, je frappai à la porte. Immédiatement un portier m’ouvrit et me conduisit aux appartements de mon beau-frère. Je traversai la vaste salle à manger pavée de marbre et le petit salon avant d’arriver à son bureau où il vérifiait la liste des invités pour les noces. Il me reçut chaleureusement. Il est vrai que nous ne nous étions pas vus depuis son mariage ! Comme j’étais épuisé à cause de mon long voyage, je me contentai d’un dîner frugal puis j’allai me coucher. Ma chambre réservée aux invités se trouvait au deuxième étage, comme dans la majorité des palais de l’époque. Je m’endormis très vite.

Le lendemain, je me levai de bonne heure pour visiter la ville. Je déambulai à travers un dédale de ruelles sombres où le soleil, jamais, ne devait mettre les pieds. Je remarquai certains détails à l’angle des rues : ici, une loge, là, un écusson, ailleurs, une niche. Bientôt j’arrivai à la Piazza della Signoria. A cette heure de la journée, la place était envahie par de riches passants vêtus de drapés aux couleurs chaudes et vives, certains assez sobres, d’autres avec des motifs plus complexes. C’était jour de marché. Plusieurs marchands s’étaient installés tout autour de la place et avaient déballé leurs étalages chatoyants, vendant fruits, vins, ou tissus. Des artisans proposaient leurs reuvres dans leurs boutiques. Dans un coin, quelques troubadours animaient la place, avec leur musique et leurs acrobaties.

Malgré les bonnes senteurs qui se dégageaient de leurs échoppes, une étrange odeur de brûlé envahissait l’air. J’interrogeai un passant qui tirait un âne par la bride :
« Pardon mon brave, savez-vous d’où vient cette odeur de brûlé ? »

— Monseigneur ! Hier, un condamné a été brulé, sur cette place.

— Savez-vous de qui il s’agissait ?

— J’ai entendu dire que c’était un moine.

Je n’eus même pas le temps de le remercier qu’il s’était déjà perdu dans la foule tandis que je restai pensif, imaginant la scène de cet autodafé.

Le temps passait bien vite, déjà le campanile sonnait treize heures. Je me décidai alors à me rendre rapidement au baptistère. Ce dernier était toujours en construction : notamment, à l’intérieur, une dizaine d’artistes travaillait. Ils étaient en train de peindre les fresques qui devraient orner le plafond. Je restai sur la place à admirer tous ces grands monuments qui s’élevaient peu à peu sous le ciel de Florence. Qu’ils soient finis ou non, ils provoquaient en moi, simple parisien, une profonde émotion. J’avais devant mes yeux la plus grande coupole ,du monde et j’essayais de comprendre comment on avait pu construire quelque chosé si grand et si beau à la fois. Je décidai vers quatorze heures de rentrer chez mon frère. Là, je déjeunai rapidement dans la cuisine, tout en haut du palais, car tous mes hôtes avaient déjà mangé depuis longtemps. Ensuite, je conviai un valet et je lui demandai de me louer une voiture pour me rendre à San Geminiano al Monte, puis à Sienne où j’allais passer la nuit et la journée du lendemain. Vu l’heure tardive, je savais bien que je ne pourrais m’attarder à San Geminiano néanmoins, je décidai de m’y rendre quand même, ne serait-ce que pour admirer la vue d’ensemble qu’on y avait de Florence. En effet, aux alentours de dix-sept heures, je me trouvai devant cette vue sublime, un spectacle d’une telle beauté... Les yeux encore ivres de ces images, je remontai dans la diligence et je me dirigeai vers Sienne. Du haut d’une colline, je distinguai la sublime ville de Florence dont les campaniles et les coupoles se dressaient au dessus des toits célébrant la grandeur de cette cité. Nous traversâmes la campagne toscane, vallonnée et parsemée de champs de blé, d’orge et de coteaux de vigne. Des paysans y travaillaient, labourant la terre à l’aide de leurs chevaux. À l’orée d’un bois, je vis une dizaine de chasseurs revenir avec du gibier, suivis de leurs chiens.

Le voyage fut long mais la beauté du paysage m’empêcha de le trouver trop pénible. Arrivé à Sienne, au crépuscule, je pris une chambre dans une auberge et dormis toute la nuit. A dix heures, je me levai et m’habillai pour partir vers le Duomo. Là, je vis ma première peinture florentine, une de celles que mon beau-frère qualifiait de « peinture nouvelle » et c’était vraiment impressionnant. Cela n’avait rien à voir avec ce que je connaissais jusqu’à maintenant. Ces couleurs vives comme le jaune, le rouge, le vert qui mettaient en avant l’ange et la Vierge ! C’était par ailleurs une vierge si féminine avec une émotion sur le visage comme je n’en avais jamais vu. En plus de cela, elle était vêtue exactement comme les femmes que j’avais croisées la veille ! Une perspective impressionnante était visible grâce au lit, à la fenêtre ouverte et au jardin. Ah oui, ce jardin ! C’était la première fois que je voyais un tel paysage introduit dans une peinture... Et ce meuble devant la Vierge ? On est à l’extérieur mais, le peintre veut nous donner l’impression que l’on est tout de même à l’intérieur ! En regardant attentivement l’ceuvre, on aurait dit qu’elle était en mouvement !! J’avais même l’impression que l’ange bougeait, que son bras continuait de monter pour désigner la Vierge.

Après tant d’émotions, je décidai de rentrer à Florence car il fallait se préparer pour le mariage. De retour au palais, mon beau-frère vint m’annoncer que sa fille n’allait pas tarder à arriver. Je montai m’habiller de manière plus élégante. En effet, une heure plus tard, Maria arriva avec son fiancé en carrosse. C’était un italien qui vivait à Rome. Il était originaire d’une riche famille : c’était un parent du Pape et, au premier coup d’oeil, j’eus l’impression qu’il avait vraiment l’air d’aimer sa fiancée. Pour fêter leur arrivée, nous dinâmes royalement durant des heures. Nous mangeâmes, bûmes, rîmes et parlâmes de nous. Puis nous allâmes tous nous coucher car il fallait être en forme pour la fête du lendemain.

Lorsque je me réveillai, il faisait déjà grand jour. Je me vêtis rapidement et descendis. Dans la cour, plusieurs marchands de laine étaient déjà arrivés. Mon frère m’avait expliqué qu’ils venaient trois fois par semaine et, puisqu’ils étaient à son service, il leur avait demandé qu’en ce jour de fête, ils vendissent de beaux vêtements pour ceux qui souhaitaient y assister. Evidemment, ils proposaient aussi les pelotes de laine qu’ils vendaient habituellement. C’était un beau spectacle ! Mon beau-frère avait même fait installer un lieu où les gens pouvaient se changer après avoir acheté leur vêtement neuf et avait engagé une vingtaine de serviteurs, hommes et femmes, pour aider les personnes à se vêtir de leur habit complexe. Grâce à son statut, il avait réussi à faire fermer la place devant le palais, de sorte qu’aucune diligence ne puisse y passer. Dix gardes devaient la surveiller, même si la fête était ouverte à tous, il fallait empêcher tous ceux qui n’étaient pas bien vêtus ou ceux qui pouvaient être gênants de s’y introduire. Aucun mendiant ou ennemi de la famille ne devait rentrer !

Sur la place, était installé un grand dais et plusieurs musiciens se tenaient autour de celui-ci. Je regardais les personnes arriver lorsque mon frère vint vers moi. Il voulait me montrer le coffre de mariage que le futur fiancé avait fait construire pour l’occasion. C’était un grand coffre d’un mètre soixante de long, peint avec plusieurs scènes de l’Ancien Testament. Nous descendîmes ensuite, mon beau-frère, sa femme, leur fille, son fiancé et moi. Les fiançailles bataient leur plein. Mon beau-frère se leva alors et annonça qu’il était temps de se rendre à l’église. En effet, le marié avait souhaité, que le mariage se fasse juste après ces sublimes fiançailles. C’est pourquoi nous nous dirigeâmes vers Santa Maria Novella où il allait être célébré. La mariée était superbe, dans une robe en soie blanche brodée de fils d’or Le mariage se passa bien. Les chants résonnaient dans la nef. Mon esprit était distrait par les impressionnantes fresques de Ghirlandaio... si belles, si réalistes, si éblouissantes ; je pensais aussi à mon retour pour Paris le lendemain et au long voyage qui m’attendait et à la nostalgie qui s’installait déjà en moi à la simple idée de quitter ces lieux magiques et inoubliables.

(novembre 2009)

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