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Flash Cinéma – Anne-Laure Labadie (Le Pacte)

Rencontre avec la directrice générale de la société Le Pacte

En 2021/2022, Paul Vautrin a publié régulièrement des interviews de personnalités du cinéma dans la rubrique flash cinéma. Désormais ancien élève, il rencontre cette semaine Anne-Laure Labadie, directrice générale de la société Le Pacte

Anne-Laure Labadie: “Nous sommes très attachés à notre statut d’indépendant”

Anne-Laure Labadie est directrice générale de la société Le Pacte. Succédant à Bac Films (également fondé par Jean et Anne-Laure Labadie) en 2007, Le Pacte s’est rapidement imposé comme l’un des plus gros distributeurs indépendants du cinéma français, en distribuant entre autres Les Misérables de Ladj Ly, Drive de Nicolas Winding Refn, ou plus récemment As Bestas de Rodrigo Sorogoyen.

Le Pacte, et avant lui Bac Films, sont deux entreprises quasiment familiales (Jean et Anne-Laure Labadie travaillent également avec leurs deux filles), et surtout totalement indépendantes. Un statut particulier, et de plus en plus rare dans un milieu dominé par les Majors, américaines comme françaises. 

Rencontre !

PV: En quoi consiste le métier de distributeur ?

AL: Dans la distribution cinématographique, nous nous engageons très en amont sur les films: soit à l’étape du développement du projet, soit même parfois sur une idée ou un concept. Nous intervenons très rarement sur des films finis. 

Nous sommes donc impliqués dès le scénario, puis dans le choix du casting avec le metteur en scène et le producteur, et enfin dans le montage. Ensuite c’est à notre tour de jouer: nous nous occupons du marketing (campagnes publicitaires, création des bandes-annonces et de l’affiche du film), puis de la fabrication du matériel de sortie en salles (les copies des films), et de la distribution auprès des exploitants de salles. 

Notre investissement financier dans les films comprend: 
– Le minimum garanti, qui participe au financement du film et que nous versons au producteur
– Les frais d’édition, qui sont à notre charge. Ils comprennent toutes les dépenses liées au marketing, à la promotion du film dans la presse, aux festivals, et à la fabrication du matériel

PV: Quelle est la spécificité de la société Le Pacte ? 

AL: Nous avons fondé, mon mari et moi, Le Pacte en 2007. Auparavant nous avions fondé la société Bac Films en 1986. Toutes les deux sont des sociétés totalement indépendantes, nous ne sommes liés à aucun groupe. On peut même dire que ce sont des entreprises familiales puisque nous travaillons avec nos deux filles. Nous distribuons entre 20 et 25 films par an, quasiment un film une semaine sur deux et presque toujours sur des centaines de salles.

Si l’on regarde le paysage de la distribution française, on compte environ 80 distributeurs, mais seule une trentaine compte vraiment parmi lesquels on retrouve les Majors Compagnies, qu’elles soient américaines (Paramount, Sony, Universal, Warner), ou françaises, telles que UGC, Pathé, Gaumont. La moitié restante est indépendante, leur part de marché est d’environ 15%.

PV: Vous êtes très attachée à ce statut d’indépendant, qu’est-ce que ça signifie pour vous ?

AL: C’est vrai! Nous sommes très attachés à ce statut d’indépendant, et malgré toutes les sirènes des groupes qui se sont intéressés à nous, nous avons toujours voulu rester totalement indépendants. Cela nous laisse une liberté totale. Bien sûr, nous rencontrons aussi des difficultés, tout n’est pas rose, mais c’est un choix.

L’énorme avantage c’est la liberté, dans toutes nos décisions, dans nos choix artistiques, éditoriaux, et dans nos stratégies de distribution. Nous ne sommes soumis à aucune considération politique ou aucune pression. Bien sûr, c’est très agréable d’être indépendants et libres mais cette liberté reste relative. Il faut que l’on se porte suffisamment bien pour être escomptable, pour que la production puisse se mettre en place. 

Et puis, il ne faut pas oublier que l’activité dans le cinéma est extrêmement contrôlée. Tout passe par le CNC, il n’y a pas d’économie parallèle, c’est une activité très claire, très saine. Et cela nous aide beaucoup en tant qu’indépendants.

PV: Comment se gère le risque dans la distribution indépendante ? 

AL: Concrètement, la distribution est le secteur le plus “dangereux” de toute la filière cinéma. Les producteurs peuvent se mettre en risque bien sûr, mais ils peuvent aussi choisir de pré-financer leurs films avec le financement des chaînes, distributeurs, régions, CNC, etc… 

Nous, en tant que distributeur, qui plus est indépendant, nous mettons à la fois un minimum garanti pour la production afin de financer le film au départ, puis des frais d’éditions, pour sortir le film. Certains petits distributeurs arrivent à limiter les risques, mais à notre échelle et en sortant plus de 20 films par an, nous sommes obligés d’en prendre beaucoup. On ne peut pas faire autrement: on risque. 

PV: Le futur des distributeurs indépendants est-il menacé aujourd’hui?

AL: Le Covid a complètement bouleversé notre métier, parce que les salles ont été fermées pendant longtemps puis nous avons subi les impacts du pass sanitaire. 

pendant toute la période de la crise sanitaire, les gens pensaient que les salles de cinéma étaient dangereuses, alors qu’elles ne l’étaient pas plus que les restaurants, les églises, etc… qui étaient restés ouverts.

Aujourd’hui nous en ressentons toujours les effets, parce qu’en même temps que le Covid il y a eu le développement des plateformes. Ce sont les habitudes des consommateurs qui ont changé. 

Ça reprend un petit peu, mais ce sont surtout les grosses productions américaines qui ont récupéré du public. Depuis quelques mois, la part des films d’auteurs commence à remonter, mais elle a baissé de 50%, puis de 30%. Aujourd’hui, nous ne sommes toujours pas revenu au niveau de 2019.

PV: Le film à retenir en 2022 ? 

AL: J’ai beaucoup aimé Babylon, de Damien Chazelle ! J’ai trouvé le film très virtuose, il faut le voir, vraiment. 

PV: Y’a-t-il un film que vous attendez pour 2023 ?

AL: Non, je ne pense pas. Il n’y a aucun film que j’attend vraiment spécifiquement. 

PV: Pour finir: quel film auriez-vous aimé distribuer?

AL: Il y a un film que l’on a loupé ! Le contrat été bon, la poignée de main était faite, mais notre associé de l’époque a eu peur: il fallait que l’on avance une somme assez importante. J’ai essayé de le convaincre toute la nuit, mais il n’a pas voulu. Ce film c’était Titanic !

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