Nous avons appris avec une très grande tristesse la disparition de Daniel Hartmann qui fut professeur de lettres, d’allemand et de latin à l’École alsacienne. Il venait de prendre sa retraite en avril 2019.
Avant d’y enseigner les lettres durant toute sa carrière, Daniel Hartmann a été élève de l’École de 1959 en 10e 2 à juin 1963 en 7e 2.
Le docteur Jean Friedel, qui a été son camarade de classe et son ami, nous a envoyé ce témoignage :
Daniel Hartmann était mon exact contemporain, mon condisciple à l’Ecole alsacienne depuis la classe de 10 ème, je crois, dans la classe de Mademoiselle Barrois, et mon ami. Nos parcours furent adjacents ou parallèles selon les années jusqu’en classe de 4ème au lycée Montaigne. Il fut je crois constamment le premier de nos classes, où par ailleurs je végétais souvent plus difficilement.
Fils unique et un peu tardif d’un peintre suisse allemand et d’une musicienne pianiste, il était la merveille de sa maman, dont l’élégance constante, quand elle venait le chercher à la sortie des classes, m’impressionnait tellement : j’ai dans le souvenir ses toques de fourrures, ses robes et manteaux chics ; et leur sourire commun à la fois si chaleureux et en même temps les faisait appartenir si manifestement à un monde supérieur. Ma propre mère, anglaise et qui m’avait conçu quand elle avait 41 ans, dut comprendre qu’elle avait là la mère d’un élève avec qui elle pourrait essayer de partager certaines choses, la découverte tardive de la maternité, la musique, et en raison sans doute de la nationalité du père de Daniel, une certaine expérience du fait d’élever ses enfants dans un pays étranger. Madame Hartmann n’était clairement pas n’importe qui et transmit évidemment ceci à son rejeton.
Nos chemins ont divergé lorsque je redoublai ma classe de 3 ème et qu’il poursuivit sa trajectoire de météorite au lycée Louis-le-Grand puis vers la préparation des grandes écoles, mais il était toujours présent. Daniel était la gentillesse incarnée et représentait un idéal inaccessible à mes yeux. L’atelier de la rue Boissonade et l’accueil de sa maman restait un des souvenirs marquants de mon enfance.
Ce fut avec un plaisir non dissimulé qu’après mes études, je repris contact avec lui, par courrier d’abord à une époque nous ne disposions pas encore d’ordinateurs et des facilités de communication de la toile, puis grâce à Internet. Cela m’amusait de le découvrir enseignant dans cette école si spéciale, créée avec deux autres par mon arrière-arrière-grand-père Charles pour donner à son fils Georges une éducation proche de celle du Gymnase de Strasbourg lorsque ce dernier ne fut plus accessible aux petits alsaciens qui avaient opté pour la France après l’annexion allemande.
Daniel Hartmann fut enseignant à l’École alsacienne et collabora à la traduction des œuvres complètes de psychanalyse de Sigmund Freud, traducteur d’ouvrages d’art suisses ; il joua un rôle dans la mise en place des nouvelles procédures de recrutement de l’École du Louvre et aida plusieurs élèves de l’Ecole alsacienne à obtenir des bourses Zellidja (1).
Nous nous sommes dès lors régulièrement fait signe et c’est à la fin de l’année dernière seulement que nous avons échangé nos souvenirs familiaux respectifs et que j’ai appris dans quel milieu si doublement riche il avait réellement vécu, tant du côté du milieu des peintres – il avait dédié sa vie à la conservation et la mise en valeur des oeuvres de son pèreWerner Hartmann, 1903-1981 (2) – que du milieu de la musique par le biais de son oncle maternel par alliance le violoncelliste André Huvelin, et par lui du groupe des Bohuslav Martinů, Tibor Harsányi, Conrad Beck, Marcel Mihalovici et autres avec lesquels il avait passé ses vacances d’enfant en Haute-Saône.
Nous avions convenu de nous revoir à mon prochain passage à Paris. La vie en a décidé autrement.
Dr Jean Friedel, dermatologue,
Mercurey et Chalon-sur-Saône, Bourgogne-sud
1 – https://www.aaeea.com/article/depart-a-la-retraite-de-m-hartmann/18/04/2019/572