Article publié par Roger Gruner en mai 2004. Roger Gruner fut élève de l’École alsacienne de 1920 à 1930.
1870 : la débâcle. Toute l’Europe répète que les vrais vainqueurs ne sont pas les soldats prussiens mais leurs professeurs. 1871, l’Ecole Alsacienne est fondée à Paris par un groupe d’hommes décidés à bouleverser des méthodes d’enseignement qui viennent de faire faillite. Il s’agit de doter la France d’un établissement libre où l’éducation soit enfin adaptée au monde occidental moderne ; où le casernement des lycées napoléoniens soit remplacé par l’épanouissement individuel ; où les humanités classiques, sans être délaissées, soient complétées par des humanités modernes : Les langues vivantes y auront droit de cité et le sport, grande nouveauté, y fera son apparition.
Georges Hacquard, Histoire d’une institution française, l’École alsacienne
Ainsi fut annoncée la parution d’un remarquable ouvrage en quatre volumes : Histoire d’une institution française : l’Ecole Alsacienne, par son ancien directeur, M. Georges Hacquard.
C’est dans cet esprit que, dès l’année qui suivit la perte des provinces d’Alsace et de Lorraine, un certain nombre d’amis, savants et patriotes demeurant à Paris, décidèrent de créer un tel établissement qui servirait aussi de refuge aux jeunes des familles repliées sur la France.
Les débuts furent très modestes. En 1871, une petite boutique fut louée au 36 de la rue des Ecoles et une classe élémentaire fut ouverte à une dizaine d’élèves, sous la direction d’un instituteur alsacien, M. Braeunig, pédagogue de grand mérite.
En 1874, le Comité d’organisation de cette “Institution alsacienne” résolut de la transformer en une grande école d’enseignement secondaire et fit appel à M. Rieder, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure qui avait débuté sa carrière à Strasbourg.
Le nom de l’École alsacienne fut adopté et le nouvel établissement s’ouvrit le 7 octobre 1874, au n°3 de l’avenue Vavin (84-86 rue d’Assas) où quatre classes furent aménagées, en respectant le bouquet d’arbres “qui donnait à l’Ecole un aspect gai et bienfaisant”.
La première réunion du Conseil d’Administration eut lieu le 17 décembre 1874. Il était composé de dix personnalités : trois universitaires (Ecole Normale Supérieure et Ecoles des Hautes Etudes), un professeur de la Faculté de médecine, deux ingénieurs des Mines, un inspecteur des Finances, deux éditeurs et un rentier.
Le Conseil élut président M. Parran, ingénieur des Mines et confirma M. Rieder comme directeur et M. Braeunig comme sous-directeur.
Plusieurs parmi les personnalités intéressées à cette création avaient suivi les cours du Gymnase protestant de Strasbourg qui applique les méthodes et suit l’esprit de l’humaniste Jean Sturm, créateur du Gymnase en 1538, “produire un type d’homme cultivé qui alliât aux vertus de l’âme régionale les qualités générales de l’humaniste”.
Loin de la conception du second Empire où il s’agissait de soumettre les esprits à un dogme politique ou clérical, où le devoir des maîtres était d’observer les élèves et de les diriger à leur insu, “notre ambition est de former des hommes dignes de ce nom”.
En citant ces phrases exprimées par les créateurs, Georges Hacquard souligne la préoccupation morale qui animait ceux-ci.
L’œuvre se développa et, le nombre des élèves augmentant rapidement, la jeune école se trouva à l’étroit dans ses locaux de l’avenue Vavin. Un agrandissement fut possible, par la location d’un immeuble voisin, au 92 rue d’Assas, dès la rentrée 1876. Mais trois ans plus tard, le nombre d’élèves atteignait 200 et une solution plus large et plus durable que des locations à courte échéance devait être trouvée.
Aussi le Conseil d’administration, après mûre réflexion, prit-il une décision pleine de courage pour l’avenir : remplacer le provisoire par du définitif en achetant de vastes terrains de près de 3 500 m² situés à proximité, et disposant de deux sorties, l’une au 128 rue d’Assas et l’autre au 109, rue Notre dame des Champs.
Les terrains achetés par souscription des actionnaires de l’Ecole, les travaux entrepris avec des emprunts bancaires – dès la rentrée de 1891, l’Ecole alsacienne put s’installer dans les locaux que, moyennant quelques extensions au fil des ans, elle occupe encore actuellement.
En 1890, M. Théodore Beck fut nommé directeur. Il devait occuper ses fonctions pendant 31 ans et devint une figure légendaire de l’Ecole. Comme M. Rieder Strasbourgeois et ancien élève du Gymnase Jean Sturm, comme lui également licencié en théologie et pasteur, il devait quitter l’Alsace dès l’annexion et renonçant au pastorat, il était devenu professeur d’allemand à l’Ecole Alsacienne.
Dès son premier discours de directeur, évoquant avec patriotisme l’origine de l’Ecole, il rappellera avec foi le libéralisme de cette école libre, “œuvre d’affranchissement intellectuel et moral… avec la collaboration de parents appartenant à toutes les tendances politiques et religieuses, mais désirant avant tout que leurs fils aient horreur de ce qui abaisse et l’amour de ce qui élève – et cela pour la dignité de la famille et l’honneur de la France”.
“Les fondateurs, peut-on lire dans l’ouvrage consacré au cinquantenaire de l’Ecole, voulaient que l’on cultivât l’âme, que l’on développât le sentiment autant que l’intelligence, qu’on réglât le travail de façon à le faire aimer, qu’on amenât les élèves à se soumettre à une discipline non contrainte, mais librement acceptée.”
Dès le début, le principe fut accepté d’une discipline sans récompense ni punition. La traditionnelle distribution des prix de fin d’année ne correspondait pas aux principes de l’Ecole et fut remplacée par un simple témoignage public de satisfaction (avec mention très bien ou bien) pour ceux qui le méritaient. Au cours de l’année, la récompense consistait en “la bonne note” accordée chaque semaine lorsque le travail était satisfaisant.
Pour les punitions, plus de retenues, de piquets, de pensum, mais la suppression de la “bonne note”, la réprimande du directeur, accentuée dans les familles si nécessaire, l’exclusion temporaire et, pour les incorrigibles, le renvoi…
Soucieux également de mettre l’accent sur la qualité des relations entre condisciples – et sur la suggestion du directeur Rieder – les amis de l’Ecole Alsacienne créent en 1879 un prix annuel de camaraderie décerné par le vote des élèves. Le suffrage universel était bien une innovation dans les mœurs scolaires – et ce prix fut si bien adopté qu’un siècle plus tard il était toujours voté chaque année.
Dès 1875, une méthode destinée à encourager les élèves à s’exprimer publiquement et à répondre aux questions fut adoptée par la création d’”examens publics”.
Organisés chaque semaine sur une matière différente et récapitulant pour chacune le travail antérieur, ils étaient “publics” en ce sens que toutes les personnes qui s’intéressaient aux progrès de l’enseignement étaient invitées à y assister : les parents à même de comparer et suivre le niveau de leurs enfants, les membres du Conseil d’administration de l’Ecole dont les observations faisaient l’objet d’échanges avec le directeur sur les méthodes –parfois des personnalités “extérieures” intéressées par la vie de l’Ecole – tel M. Léon Bourgeois qui fut plusieurs fois Ministre de l’Instruction Publique et manifesta l’intérêt qu’il avait pris à sa visite.
L’épanouissement de l’enfant dans le travail comme dans leur vie quotidienne faisait l’objet de toutes les attentions.
Pour ce faire, l’accent fut mis sur l’aspect familial de l’éducation. L’Ecole se refusa à créer un internat et le principe général fut bien l’externat. Pour ceux qui habitaient assez loin, des possibilités de repas furent offertes chez le directeur ou le directeur adjoint, chez les professeurs habitant l’Ecole ou très proches. Certains même furent acceptés comme pensionnaires et partageaient la vie familiale, les repas et les fêtes de leurs maîtres dans une ambiance qui rappelait celle de leur famille – dans ce milieu souvent d’origine protestante et alsacienne.
Au-delà des problèmes de séjour, la liaison étroite entre l’Ecole et les familles était une des données de base. On l’a noté sur le plan de la discipline. Il en était de même pour le suivi du travail.
Dans toutes les classes, deux carnets furent institués. L’un quotidien, sert de correspondance entre les parents et l’autorité scolaire, et précise les leçons ; l’autre distribué chaque samedi par la direction indique les notes de travail et de conduite, les résultats des compositions et des examens oraux ; ils doivent être régulièrement signés par la famille ainsi mise au courant du travail et de la tenue des enfants.
Tout au long de son existence, l’attention porta naturellement sur les programmes et les méthodes. A plusieurs reprises, les professeurs furent amenés à décrire minutieusement la manière et l’esprit dans lesquels ils enseignaient les matières qui leur étaient confiées.
L’ouvrage de M. Hacquard en donne le détail qui ne manquera pas de retenir l’attention des spécialistes de l’enseignement.
L’Ecole Alsacienne, dès sa création, a été un des laboratoires d’où est issue l’école laïque et républicaine. Nombre d’expériences mises en place à l’Ecole sont devenues le quotidien de tous les établissements de France, qu’ils soient publics ou privés.
Les premières mesures adoptées par l’Ecole ont suscité l’intérêt des milieux gouvernementaux avec qui elle était en relation. Ceux ci, dès l’instauration de la République, se préoccupaient de réformer le système universitaire en vigueur, objet de vives critiques.
Citons en particulier le grand réformateur Jules Ferry, Ministre de l’Instruction Publique qui fit voter par le Parlement en 1879 la loi visant à “démanteler la citadelle cléricale”, à rendre aux Universités d’Etat le monopole de la collation des grades universitaires. La loi votée respecte la liberté de l’enseignement, reconnaît la possibilité d’existence d’un enseignement privé, mais établit définitivement la laïcité de l’enseignement public français.
L’établissement privé non-conformiste mais en même temps non subversif créé par les alsaciens dont l’action touchait tant la sensibilité nationale depuis la perte des départements de l’Est, intéressait vivement Jules Ferry.
En 1879, il rendit visite à l’Ecole Alsacienne entouré par les principaux directeurs de son ministère. Cette visite du Ministre déclencha toute une série d’enquêtes officielles et minutieuses et, peu après, il déclara au directeur qu’il avait beaucoup puisé à l’Ecole pour le régime nouveau qu’il voulait établir à l’Université. Et, à la tribune de la Chambre des Députés, il évoqua “avec éloge les utiles initiatives prises par l’Ecole Alsacienne”.
L’ensemble de la réforme Jules Ferry, fut voté en 1882. Outre la laïcité, elle établissait la gratuité de l’enseignement primaire à l’école publique et le caractère obligatoire des études primaires de six à treize ans.
Par la suite, l’Ecole Alsacienne fut officiellement reconnue “école pilote” pour l’Université, “école expérimentale” et reçut même quelques subventions pour ses innovations pédagogiques qui, après leur succès, étaient adoptées par le Ministère pour l’enseignement public.
Paul Bert, savant illustre et grand patriote, le collaborateur le plus direct de Jules Ferry et qui fut lui-même Ministre de l’Instruction Publique, proclamait le 9 juin 1891, dans un discours à l’Ecole : “Vous êtes les auxiliaires de l’Université, faisant pour elle des expériences qu’elle ne peut tenter elle-même…”
L’Ecole a régulièrement introduit des ruptures avec les pratiques pédagogiques au nom de sa conception de l’enfant, qui pendant sa formation, ne doit pas être séparé du monde mais partie prenante de son environnement culturel, familial, social et civique.
Dès 1874, elle s’est affirmée laïque alors que l’enseignement public ne l’était pas. S’adressant aux créateurs, souvent protestants pratiquants, Paul Bert leur dit : “Vous avez été les premiers à éloigner résolument et entièrement de votre Ecole l’enseignement religieux – et cette laïcisation que nous réclamons pour les écoles de l’Etat, vous n’y avez vu, comme nous, qu’une marque de respect pour la liberté de conscience et la sincérité des croyances.”
Poursuivant son discours, il déclarait que “la plus importante de vos réformes pédagogiques, c’est le retard apporté dans le début des langues anciennes – au lieu de commencer dès l’âge de 9 ans, elles sont reportées à la classe de 6ème”.
Quelles en furent les conséquences : les résultats des premiers candidats au baccalauréat le montrent ; avec la création successive de classes, en 1877-78, pour la première fois une série d’élèves arrivait en rhétorique.
“Nous avons eu, explique le directeur Rieder, à lutter contre la difficulté de préparer nos élèves au discours latin qui figurait encore au programme tandis que, dans notre plan d’études, nous avions reculé le latin en 6ème et supprimé les exercices de style proprement dits comme discours et vers latin… mais nous avons eu en rhétorique 9 élèves reçus sur 10 en 1879 et 11 sur 13 en 1880.”
A partir de 1881, au moment où la réforme qui avait été inaugurée à l’Ecole fut adoptée par l’Université et la composition française substituée au baccalauréat à la composition latine, avec adjonction d’une langue vivante, ce fut pour l’Ecole Alsacienne l’occasion d’une victoire. En juillet 1881, dans une classe de rhétorique qui n’était ni nombreuse, ni brillante, 5 élèves sur 7 furent reçus alors que partout ailleurs, ce fut le désarroi général, au point que, dans tel ou tel lycée, il n’y eut qu’1 élève reçu sur 15 ou 2 sur 22…
Le succès de l’Ecole fut attribué, non sans quelque apparence de raison, au soin qu’elle avait apporté au français, à la lecture des auteurs, aux études littéraires, aux langues vivantes, en un mot à la préparation généralement plus large qu’elle avait substitué à des exercices de styles trop étroits et exclusifs.
A côté de l’accent mis sur la langue française, l’apprentissage d’une autre langue vivante était souhaité. L’Ecole mis en avant celui de la langue allemande et a toujours appuyé celle-ci, même à l’époque actuelle où la langue anglaise prend de plus en plus la première place.
“Une autre réforme que l’Université a également empruntée à votre programme, dit encore Paul Bert, c’est la grand part donnée aux sciences dans l’enseignement, même dans les classes du début : sciences naturelles et expérimentales.” Dès 1881, l’Ecole avait mis en place le premier laboratoire scientifique expérimental scolaire.
En 1891, elle créait en 6ème, à côté de la section “classique” une section “classique moderne”. L’essentiel de la réforme portait sur l’enseignement du français dont l’horaire se trouvait doublé au détriment du latin, et sur la création d’une section “scientifique moderne”, les disciplines littéraires et scientifiques devant marcher l’une à côté de l’autre“comme deux courants que la nature a formés”.
Pour orienter ses réformes et ses innovations, un “comité d’études” fut formé pour mettre à la disposition de l’Ecole les avis d’une pléiade de sages et de savants. Le comité de 1891 ne comprenait pas moins de huit membres de l’Institut (professeurs au Collège de France ; Directeur de l’Ecole des beaux-arts, professeurs à la faculté des Sciences, à la Faculté des Lettres, à la Faculté de Médecine) entourés du directeur des H.E.C., du sous-directeur de l’Ecole Normale Supérieure, de nombreux professeurs et examinateurs de l’Ecole Polytechnique, d’éditeurs… Ses remarques furent souvent entérinées par le Conseil d’Administration de l’Ecole.
Le contenu de l’enseignement était naturellement considéré comme essentiel, mais bien d’autres domaines furent aussi l’objet d’innovations heureuses.
Le cadre même dans lequel devait fonctionner l’Ecole avait son importance. Lorsque le Conseil décida, en 1879, d’entreprendre la construction de nouveaux bâtiments sur les terrains qu’il venait d’acheter, il en confia la réalisation à l’architecte Emile Auburtin . Celui-ci adopta une conception résolument nouvelle : des bâtiments à un seul étage, avec de larges escaliers, de vastes fenêtres ouvertes des deux côtés, à l’Est et à l’Ouest, y répandent à flots l’air et la lumière. Des salles aux dimensions volontairement limitées pour interdire un nombre excessif d’élèves par classe ; plusieurs bâtiments entre lesquels trois cours de récréation divisent les élèves selon les classes en trois catégories, en petits, moyens et grands, évitant les inconvénients, souvent graves, du mélange d’enfants d’âge différents.
Quand paraîtra, en 1881, l’arrêté sur les constructions scolaires, objet de ces préoccupations qui accompagnent la réforme Jules Ferry, l’Ecole Alsacienne sera citée comme “l’une des rares constructions scolaires exécutées aujourd’hui qui soit en conformité avec les prescriptions nouvelles éminemment progressistes qui, jusqu’alors étaient à peu près restées dans le domaine théorique”.
Ainsi, dans ces classes où le nombre d’élèves demeurait limité, les professeurs pouvaient s’attacher à suivre chacun d’eux.
De plus, à une époque où chaque professeur travaillait isolément dans sa classe, l’Ecole institua, dès 1922, la notion d’équipe pédagogique sous la conduite d’un professeur de classe.
On l’a dit : le sport scolaire était une grande nouveauté. A une époque où l’enseignement était essentiellement intellectuel, dès 1881, l’Ecole Alsacienne construisait le premier gymnase dans l’école. Des commissions ministérielles se préoccupaient de l’hygiène publique, prônant la gymnastique sans véritablement l’organiser. L’Ecole Alsacienne y attache tout de suite un grand intérêt et l’on peut lire dans l’Encyclopédie des sports (publiée par l’Académie des sports) : “C’est l’Ecole Alsacienne qui garde l’orgueil d’avoir constitué la première de toutes les associations sportives scolaires françaises, qui ait servi de modèle et d’exemple.”
Elle participa deux ans plus tard à l’importante commission présidée par le Ministre lui-même – Léon Bourgeois – dont les travaux devaient aboutir à une directive péremptoire et exécutive : les exercices corporels étaient reconnus comme “véritables leçons pratiques de moralité et de “virilité” ; il convient, ordonne la circulaire du 7 juillet 1890, de leur donner leur légitime place, donc de réduire le travail sédentaire, d’aménager de larges temps de récréation et aussi de créer dans les établissements des associations de jeux.
Depuis lors, les sports, dans les disciplines individuelles et collectives (au début, surtout le hockey et l’escrime), n’ont cessé de se développer à l’Ecole Alsacienne et celle-ci cite chaque année avec fierté les bons succès remportés par ses équipes.
Les mouvements de jeunesse ont aussi eu leur place à l’Ecole Alsacienne. De 1923 à la guerre de 1939, une troupe d’éclaireurs unionistes manifesta une vive activité, réunissant jusqu’à une soixantaine de garçons et le scoutisme a marqué ceux-ci dans son ambiance de compagnonnage et de jeux aux règles que tous s’engageaient à respecter. Les éclaireurs de la troupe tenaient à manifester “un esprit très Ecole Alsacienne, c’est à dire allergique à tout caporalisme…” “Ce qui compte pour nous, disaient-ils, c’est le développement de l’individu et non la formation du parfait citoyen bien sage.”
Quels que soient le système et le programme conçus par le Ministère, l’Ecole Alsacienne reste fidèle à deux principes directeurs : d’une part elle adopte les grands cadres officiels afin que les élèves de l’enseignement public puissent sans inconvénients rallier l’Ecole dans les classes correspondantes, et que ceux qui quittent l’Ecole ne soient pas désorientés dans les lycées ; d’autre part, elle ne se fait pas faute de modifier les programmes sur tous les points de détail où elle croit devoir s’en éloigner.
Sur un autre plan mais dans un même ordre d’idée, on peut citer la question de l’éducation des filles.
Abandonnée traditionnellement au dévouement des bonnes sœurs, elle fit l’objet d’une tentative de réforme en 1867. Victor Duruy, Ministre de l’Instruction Publique, fit ouvrir des cours spéciaux pour jeunes filles mais ceux-ci ne résistèrent pas à l’hostilité des évêques.
Dix ans plus tard, alors que l’esprit de réforme se manifestait, Michel Bréal, professeur au Collège de France, qui avait suivi de près la création de la nouvelle “institution alsacienne”, suggéra d’utiliser les locaux de l’avenue Vavin que celle-ci abandonnait pour ses nouveaux locaux pour y créer une Ecole Alsacienne secondaire pour jeunes filles. Le Conseil de l’Ecole intéressé par l’idée, ne put y souscrire pour des raisons matérielles. Michel Bréal trouva un autre local où fut fondé en 1881, le Collège Sévigné – appelé parfois alors “la sœur de l’Ecole Alsacienne”. Le Ministre de l’Instruction Publique lui alloua une subvention de fonctionnement pour deux ans, et c’est seulement en 1883 que sera créé le premier lycée de jeunes filles : le lycée Fénelon.
L’Ecole devait aller plus loin. A une époque où garçons et filles étaient éduqués séparément, le conseil décida, dès 1905, d’accueillir les filles dans les petites classes et, dès 1908, adopta dans toutes les classes, la mixité – bien avant que l’évolution des idées et des mœurs amène l’Université à en étendre le principe aux écoles publiques.
Et autre extension de la “famille”, celle qui devait consister à accueillir à l’Ecole les tout-petits avant qu’ils n’aient atteint six ans, l’âge de la dixième. Suivant des expériences ouvertes dans quelques pays étrangers, en 1912 fut crée un jardin d’enfants.
L’Ecole a également développé des activités, parfois appelées “activités annexes” mais qui dans son esprit ont pleinement leur place dans son projet.
La musique, dès le premier âge de l’Ecole, fut développée par le chant choral d’abord, puis progressivement par la constitution d’orchestre pour les jeunes et, depuis de nombreuses années par un orchestre groupant de grands élèves avec quelques professeurs et parents. Chaque année, une fête musicale rassemble un public nombreux ; depuis plus de 25 ans, l’heure musicale de l’Ecole organise des concerts très suivis.
A titre plus anecdotique, citons le fait qu’en 1975 le directeur, M. Hacquard, lui-même très tourné vers la musique et cherchant une pianiste pour accompagner musicalement les cours de rythmique du petit collège, recruta un membre éminent du “groupe des six”, Germaine Tailleferre qui, malgré ses 83 ans, fit profiter les jeunes, pendant 8 ans, de son talent et découvrir certains aspects de la musique.
L’éducation artistique a eu sa place dès 1879 où le cours de dessin avait pris une orientation très différente des notions habituelles employées dans les établissements publics et a été introduite par la suite dans les lycées d’Etat. En 1950 et pendant 20 ans, une équipe de professeurs d’art a révolutionné les techniques classiques de cet enseignement.
Le monde des arts se transformait totalement en exposant des peintures abstraites, bien différentes des œuvres classiques ou impressionnistes. Les professeurs de dessin de l’Ecole Alsacienne, eux même artistes, Lapoujade puis Carrade et Chaminade, inventèrent pour leurs élèves d’autres façons de s’exprimer : par des méthodes de jeux, avec des règles strictes, ils conduisaient les élèves à développer leur sensibilité propre en ne se servant que de signes définis (plus de nature morte, plus de plâtres) mais des gestes plus abstraits, par le trait ou la tache ils développaient chez chacun une nouvelle expression plastique qui les rendait plus proches de l’art contemporain. Une exposition ” du jeu du signe” eut lieu au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 1968, attirant un très nombreux public, elle fut un vrai succès.
Depuis trente ans, l’atelier théâtre a pris une place essentielle dans les activités de l’Ecole Alsacienne. Dirigé par Pierre Lamy, professeur de lettres modernes, auteur dramatique et metteur en scène, il offre aux élèves de 2de, 1ère et terminale la possibilité de connaître toutes les activités qui entourent la production d’une pièce de théâtre, depuis la première lecture jusqu’aux représentations publiques : recherche des personnages, des interprétations, de la mise en scène, organisation des diverses régies (plateau, lumières, son), création des éclairages et de l’univers sonore, confection des costumes, fabrication des décors, invention et découverte des accessoires, enfin et surtout la connaissance d’un art collectif et de la nécessaire discipline d’une troupe.
Accueillant à côté des élèves des anciens élèves, parents d’élèves et membres du personnel de l’Ecole, il a pu présenter dans divers théâtres parisiens, chaque année après les vacances de printemps et pendant 4 à 6 jours, des œuvres d’un vaste répertoire, de Molière à Anouilh, de Ubu Roi aux Sorcières de Salem, de Zoo de Vercors à l’Eveil du Printemps de Frank Wedekind…
Pour aider les jeunes à se situer dans le monde, d’autres activités complémentaires leur sont offertes.
Les “excursions instructives” qui mettent les élèves au contact non seulement des musées mais des ateliers, des usines, des fabriques, datent de la fondation de l’Ecole. Elles seront reprises au rythme d’une par mois de la dixième à la cinquième à partir de 1924.
Elles sont les ancêtres des actuelles sorties régulières des classes de découverte : obligatoire, la classe au complet part avec son institutrice pour un lieu et une durée décidés par l’Ecole et elles s’inscrivent dans la progression pédagogique de l’année.
Les voyages d’études, dans le même esprit, sont également obligatoires et ont pour objectif de permettre que se crée, par une meilleure connaissance des élèves entre eux et des élèves avec les adultes (professeurs et parents accompagnateurs) une atmosphère de classe propice à l’épanouissement de chacun et de l’esprit de l’Ecole, d’ouvrir les élèves aux réalités économiques, humaines et culturelles par une découverte sur le terrain d’une région ou d’une ville de France ou de l’étranger, et de permettre un travail interdisciplinaire. Longs de trois à cinq jours, ils font ensuite l’objet de récits, parfois illustrés, publiés dans les bulletins de l’Ecole. Dans les classes terminales, ces voyages deviennent facultatifs et sont organisés par les élèves eux-mêmes, avec l’aide, bien sûr, de leurs professeurs.
A partir de la classe de troisième, l’Ecole organise aussi – de façon facultative – des échanges avec des lycées étrangers. Ils permettent aux élèves choisis de découvrir d’autres modes de vie et systèmes scolaires, tout en approfondissant leurs connaissances linguistiques. Accompagnés par un professeur durant leur séjour de quinze jours, ils sont reçus dans des familles – et les familles et les élèves s’engagent en retour à accueillir chez eux au mieux un jeune étranger. Ces échanges se font en général avec des écoles avec qui l’Ecole Alsacienne entretien des relations régulières, à Oxford, Düsseldorf, Bilbao, Turin, Chicago…
L’enseignement des langues vivantes, on l’a dit déjà, a toujours été préconisé par l’Ecole, même dans le primaire. Cet enseignement précoce existait dès la fondation de l’Ecole, pour l’allemand jadis, remplacé depuis par l’anglais, enseigné même depuis 1990 à tous les élèves des classes maternelles et élémentaires.
De façon plus originale, l’enseignement du chinois est présent depuis 1963. Depuis 1987 existe une expérience d’initiation au chinois en classe de 11ème, puis à tous les élèves de 10ème pendant une heure par semaine. L’objectif est méthodologique et culturel plus que linguistique : le chinois permet de développer la capacité de discrimination auditive (les quatre tons), visuelle avec la maîtrise du geste graphique, entraînement très important en cette dernière année des apprentissages fondamentaux. Cette expérience a bénéficié du soutien du fonds d’aide à l’innovation de l’Education Nationale.
Etendu aux autres classes à titre d’options, le chinois est aujourd’hui étudié par plus de 200 élèves. Des voyages annuels linguistiques de plusieurs semaines sont organisés chaque été, et depuis 1994, un jumelage entre l’Ecole Alsacienne et un grand établissement du centre de Beijing, l’Ecole Jingshan, a vu le jour. A ce titre, en 1998, une douzaine de jeunes chinois accompagnés par leur professeur ont séjourné dans des familles de l’Ecole.
D’autres contacts avec le monde actuel sont encore favorisés.
En 1967 fut créé le Foyer – Centre culturel permettant aux élèves de se réunir, de participer à des débats faisant suite à des exposés présentés par des personnalités littéraires, scientifiques, médicales et sociales.
Depuis 1988, tous les élèves de 1ère ES passent, pendant 20 semaines, une demi-journée par semaine en stage dans des entreprises. L’objectif est multiple : permettre aux élèves d’avoir un contact avec la réalité du monde du travail, donner l’occasion d’éventuels choix pour l’avenir et se renseigner sur les étapes de formation, réaliser que pour réussir professionnellement, il faut travail soutenu et de la rigueur, prendre conscience à travers les contacts au cours du stage du groupe économique et social auquel l’élève appartient.
A une époque où l’instruction faisait appel principalement au livre, dès 1963 l’Ecole Alsacienne introduisait les méthodes audiovisuelles à l’aide d’un circuit fermé de télévision dont les élèves, encadrés par leur professeur, faisaient eux-mêmes les émissions et, dès 1970, elle introduisait l’informatique. Naturellement étendu à la gestion interne de l’établissement, un projet “multimédia” est développé actuellement dans tous ses aspects pédagogiques.
L’objectif est de rendre chaque élève apte à utiliser au mieux les nouveaux outils de connaissance, sans que les aptitudes fondamentales “traditionnelles” (savoir par ses propres moyens : lire, écrire, et compter) soient menacées. L’accent mis sur les aspects documentaires des nouvelles technologies (cédérom, Internet…) imposent en même temps une nouvelle tâche difficile, celle de l’apprentissage du tri, du choix parmi des informations surabondantes et inégalement fiables.
Il faut signaler enfin une organisation qui se met en place. L’Ecole Alsacienne, dans sa volonté de demeurer un établissement à ” taille humaine “, s’est refusée à créer des classes préparant au-delà du baccalauréat, des préparations aux grandes écoles, d’ailleurs solidement implantées dans son aire géographique du quartier latin.
Ce panorama sur l’histoire, les méthodes et les innovations pédagogiques qu’elle offre à ses élèves, ses diverses organisations permettent maintenant de situer l’Ecole Alsacienne dans son contexte actuel.
Fondée le 24 novembre 1874 comme société anonyme à capital variable, transformée en société anonyme le 1er mai 1959, elle s’est transformée à nouveau avec effet du 1er octobre 1972 en association sans but lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901, conservant le nom Ecole Alsacienne.
Elle s’intitule “établissement privé laïque sous contrat d’association avec l’Etat, avec siège au 109, rue notre Dame des Champs, 75006 Paris. Dans la tradition de ses fondateurs, elle assure le fonctionnement d’un établissement du second degré comprenant des classes élémentaires.
Créée grâce au dévouement de ses fondateurs, à la générosité de ses amis,
apportant des prises de participations financières nécessaires pour acheter les terrains, construire les bâtiments et faire fonctionner les cours face à l’augmentation progressive du nombre des élèves, et donc de ses ressources annuelles, l’Ecole aura toujours à faire face aux préoccupations matérielles, difficilement et parfois même dramatiquement. Malgré le bon niveau de ses succès pédagogiques, à plusieurs reprises la question s’est posée de savoir si elle pourrait survivre.
L’intérêt suscité par ses réalisations, les bonnes relations suivies avec les gouvernements successifs ont amené ceux-ci à lui allouer quelques subventions lui permettant de passer les caps difficiles.
Malgré les bourses accordées, c’était toujours à un public limité que les formules pédagogiques qu’elle pratiquait pouvaient s’adresser, plus que jamais à partir des années 1930, quand la gratuité de l’enseignement secondaire public fut promulguée. Dès lors, l’Ecole Alsacienne ne sera pas seulement plus chère que l’école publique ; elle deviendra école payante – et chère – en face de l’école publique primaire et secondaire gratuite.
Le vœu de Michel Bréal à la fondation, de ses directeurs de voir l’Ecole Alsacienne et ses pareilles accessibles au plus grand nombre sans considération de fortune sera exaucé par le vote de la loi Debré “d’aide à l’enseignement privé” du 3 décembre 1959. Par cette loi, le gouvernement réalisait une double opération : s’assurer le contrôle pédagogique des établissements privés qui acceptent de s’associer à l’Etat par contrat et de permettre, par un concours financier non négligeable, à la grande majorité des français, de bénéficier, moyennant une contribution raisonnable (assorti d’un système de bourses) de la liberté de l’enseignement.
Aujourd’hui l’Ecole Alsacienne est une Association dont les membres sont environ au nombre de 200, elle est administrée par un Conseil de 15 membres élus par l’Assemblée générale ; parmi ceux-ci deux sont élus sur proposition de l’Association des Anciens élèves de l’Ecole et du Comité de l’Association des parents d’élèves de l’Ecole Alsacienne.
Le rôle du Conseil d’Administration peut se résumer ainsi :
— s’assurer que les valeurs fondamentales et fondatrices de l’Ecole sont maintenues ;
— lui donner les moyens d’accomplir sa mission (budgets d’investissement et de fonctionnement) ;
— continuer d’assurer son indépendance financière ;
— choisir et nommer le directeur et approuver, sur proposition de celui-ci les titulaires des postes de Censeur, de sous-directrice du Petit Collège et d’intendants.
Le Conseil d’Administration n’intervient pas dans la gestion courante de l’Ecole.
Celle-ci incombe naturellement au Directeur, dont le rôle est bien évidemment essentiel, à charge d’en rendre compte régulièrement au Conseil.
Fait notable, depuis 1874, l’Ecole Alsacienne a eu 10 directeurs. La durée de leurs fonctions, 14 ans en moyenne, leur a permis de marquer leur présence et leur personnalité de façon significative. Les trois premiers sont demeurés respectivement : Rieder 17 ans, Beck 31 ans, Péquignat 14 ans et, de façon plus récente Hacquard 33 ans ; Pierre de Panafieu, le Directeur actuel est en fonction depuis le 1er septembre 2001.
Dans un numéro de la revue Sang neuf, cahier interne de l’Ecole, un professeur écrivait : “L’originalité de l’Ecole Alsacienne réside dans la conscience qu’elle a de sa singularité, de son identité. Elle se veut singulière parce qu’elle a une histoire qui lui est propre et qu’elle commémore à l’occasion par la médiation des discours de ses directeurs. Car l’originalité de l’Ecole réside aussi dans le fait d’avoir à sa tête un directeur qui parle en son nom et non un proviseur délégué de l’Administration, un personnage qui incarne en permanence l’esprit de l’Ecole.” Avant d’être une institution, l’Ecole est d’abord un état d’esprit…
Autres institutions de l’Ecole : les associations qu’elle a formées en son sein.
— L’Association des anciens élèves date des tous premiers temps de l’Ecole : établir un centre de relations amicales entre ses membres et, si nécessaire, leur venir en aide. Elle offre des bourses, remet à un élève de terminale un prix rappelant la tradition du prix de camaraderie, organise des dîners-buffets autour d’une personnalité, des concerts, des séances de signatures auxquelles participent de grands noms de la littérature contemporaine liés à l’Ecole, édite un annuaire (1995-1998).
— L’Association des parents d’élèves, créée en 1931 dans l’Ecole Alsacienne “où la collaboration des familles fait partie intégrante du système d’éducation,” explique le directeur. Elle participe à la vie de l’Ecole à travers un Comité qui représente les parents auprès des instances de l’Ecole et par des délégués de classes. Elle délègue des membres auprès du Comité Quadripartite, du Conseil d’établissement et anime diverses commissions.
— Autre institution essentielle de l’Ecole : le Comité quadripartite. Il associe la direction, les élus du personnel et des élèves et des représentants des parents d’élèves pour élaborer en commun les options fondamentales de l’Ecole et rechercher des solutions aux questions d’ordre général intéressant la vie de l’Ecole. Il a compétence en matière pédagogique et éducative, avec voix consultative. Chaque année, il organise une ou des journées de réflexion et de débats.
— C’est en 1968, à la suite du mouvement général de contestation et du désir manifesté par les jeunes de participer aux grandes décisions concernant l’éducation et l’enseignement que l’Ecole donna au Comité Quadripartite sa forme et ses attributions. Les journées-débats liées aux journées pédagogiques de l’Ecole ont ainsi traité de “la préparation au monde”, ” le travail à la maison”, “qui éduque nos enfants”, “la solidarité”.
— Le Conseil d’établissement, également créé en 1968, est composé de six membres (et six suppléants) du personnel de l’Ecole élus chaque année le jour de la rentrée scolaire, sans pose de candidature affichée, et de deux parents ; il a pour objet d’étudier avec la direction les formules permettant de mettre fin à une situation exceptionnelle que le règlement de l’Ecole n’aurait pas prévu.
— Au cours des journées pédagogiques qui rassemblent tout le personnel de
l’Ecole trois fois par an, un déjeuner en commun organisé par le “Groupe Contact” réunit dans une ambiance détendue et chaleureuse les professeurs et le personnel avec la direction, des membres du Conseil d’Administration et des parents, occasion de discours aux partants et de célébration d’événements familiaux.
L’encadrement et le soutien aux enfants, en plus du rôle normal des professeurs et de la direction, sont confiés à une quinzaine de conseillers et d’adjoints d’éducation affectés chacun à un niveau de classe déterminé, et qui assurent les liaisons nécessaires avec les parents, à trois psychopédagogues et à un service médical. Précisons que la forme d’internat patriarcal chez le Directeur ou des professeurs indiqués plus haut, a disparu depuis 1929 : une restauration à l’Ecole fonctionne régulièrement, en libre service depuis 1995.
Enfin, il est bon de rappeler que l’Ecole Alsacienne publie, à juste titre avec fierté, les excellents résultats aux examens qu’elle obtient régulièrement.
L’Ecole Alsacienne a eu 130 ans en 2004.
Après des débuts modestes, elle a progressé régulièrement et atteint aujourd’hui un certain régime de croisière. Les ambitions de ses fondateurs, résolument tournés vers la création d’un établissement ouvert à la rénovation de l’enseignement, ont apporté dès ses débuts, des innovations dont l’Université a su reconnaître l’intérêt et s’est à plusieurs reprises inspirée pour réaliser sa propre réforme à la fin du XIXème siècle.
Elle a traversé de dures périodes marquées par les deux guerres mondiales, des périodes de difficultés économiques qui ont parfois mis en péril son existence, mais elle a surmonté ses problèmes et a pu se maintenir à un bon niveau pédagogique.
Les bons résultats aux examens officiels en sont, certes, une preuve, mais elle est surtout attachée à ce qui fait son caractère propre. Etablissement privé laïque, son contrat avec l’Etat la situe dans un cadre précis qui, avec ses obligations de respect des grandes directives tracées par les services publics, lui permet de garder ses orientations et de continuer d’apporter sa marque personnelle.
Forte de ses 1600 élèves, de ses 180 professeurs et autres personnels, de ses solides associations, elle s’efforce d’être de son siècle tout en restant attachée à sa devise, alliant tradition et innovation “ad nova tendere sueta” (vers la nouveauté par la tradition) :
— respect des humanités et recherche du progrès,
— développement intellectuel et formation morale,
— épanouissement personnel et utilité sociale.
« L’esprit de l’Ecole » est souvent invoqué par ceux qui participent à son existence. Son recrutement est ouvert et nettement marqué par des familles qui lui sont attachées et lui ont confié parfois plusieurs générations d’élèves. L’Ecole Alsacienne est une grande famille, entend-on souvent…
Au-delà de ses obligations scolaires, l’Ecole encourage chacun à prendre ses responsabilités par la participation à la vie de l’Ecole, comme cela a été évoqué plus haut (foyer, comité quadripartite, orchestre, atelier théâtre…) et l’engagement pour les grandes causes comme en témoigne Vercors – Jean Bruller –, ancien élève :
J’ai fait là toutes mes classes depuis la rue d’Assas jusqu’à la rue Notre Dame des Champs et, si ces années ont porté comme chez tous les enfants, leur poids de chagrin et d’angoisse, de l’Ecole elle-même je ne garde que de bons souvenirs, avec une profonde gratitude : elle a formé mon caractère, elle m’a appris la droiture ; et son enseignement, même beaucoup plus tard, m’a souvent dicté ma conduite ; s’il est arrivé parfois que celle-ci méritât l’estime, c’est à l’Ecole que je le dois.
Jean Bruller dit Vercors