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Qui est le photographe de l’École alsacienne ?

📸 Portrait d’Antoine Bonfils : Graffiti vous emmène dans les coulisses des photos de classe !

L’École alsacienne, c’est notre quotidien. C’est un lieu de vie, et c’est une période de notre vie, dont nous nous souviendrons probablement toute notre vie. Chaque année, la traditionnelle photo de classe est un passage souvent attendu des élèves : elle est un témoin discret de ces instants qui marquent une scolarité. À travers ses clichés, le photographe capture les sourires, les regards, les gestes et les émotions de chacun. Pour cette édition, nous avons eu la chance de rencontrer le photographe de l’École alsacienne, Antoine Bonfils, pour en savoir plus sur son travail et sur les coulisses de ses photos.

Avec cet article, nous n’avons pas cherché à retracer l’histoire de l’art de la photographie scolaire – cela avait déjà été fait il y a quelques mois par Mme Lacombe, professeure d’histoire-géographie, dans son texte La photographie de classe : brève histoire d’un média scolaire, que nous avons publié sur le site de l’École alsacienne et que nous vous invitons à découvrir ou à redécouvrir en complément de la présente interview. Non, l’idée qui se cache derrière les questions que nous avons posées à M. Bonfils est vraiment de s’aviser du parcours de nos photos, de la prise de vue à l’achat, en passant par l’impression et la commande.



Graffiti : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Antoine Bonfils : Je m’appelle Antoine Bonfils, je suis photographe notamment scolaire, et depuis maintenant trois ans je fais les photographies de l’École alsacienne.

G : Depuis combien de temps travaillez-vous avec l’École alsacienne ?
A. B. : Je suis entré à l’École alsacienne par mes enfants : Aurélien et Ariane sont arrivés à l’École alsacienne il y a quatre ans. C’est comme ça que j’ai proposé mes services à l’École pour m’occuper des photos au sortir du confinement en 2020, au Petit Collège. Depuis une centaine d’années, c’était le studio David et Vallois qui s’en chargeait, mais la société a fermé l’année où mes enfants sont arrivés. La transition s’est faite très naturellement.

G : Vous aviez déjà fait de la photographie scolaire ?
A. B. : J’ai commencé la photographie scolaire il y a environ huit ans, principalement en Île-de-France : je trouvais ça assez intéressant, dans un parcours de photographe, de revenir au papier et au portrait – deux choses que j’aimais beaucoup. En fait, j’ai commencé la photographie il y a près de 50 ans puisque mon grand-père, par qui j’ai été élevé, était lui-même artisan photographe à Reims. Je suis donc un peu né dans un laboratoire de photographie ! Ce retour au portrait, au papier, et surtout au studio d’impression m’a beaucoup plu.

G : Travaillez-vous avec d’autres établissements scolaires ?
A. B. : Comme tout photographe scolaire, on commence par une formation – c’est ce que j’ai fait il y a huit ans. On y apprend les principes de la photographie scolaire : le placement, le rythme, comment faire sourire les enfants… Et aujourd’hui, il y a encore plusieurs écoles qui me font travailler : six à Paris et entre deux et trois en proche banlieue, notamment à Sceaux.

G : Comment faites-vous pour intervenir dans toutes ces écoles le jour de la rentrée ?
A. B. : Le calendrier des photographies scolaire a beaucoup évolué, en particulier depuis la pandémie : les écoles veulent avoir les photographies le plus rapidement possible. On prend donc pratiquement toutes les photos en début d’année, vers la rentrée, effectivement. L’idée est de toutes les trier, retoucher, imprimer et vendre avant les vacances de Noël. Il y a donc une espèce de concentration des prises de vue avant les vacances de la Toussaint, puis on a un énorme travail de rush avant Noël. Il faut qu’avant les vacances, toutes les commandes soient livrées. Autrefois, on faisait les prises de vue en deux temps : une partie au mois de septembre ou d’octobre, et puis une autre partie qu’on faisait vers le printemps, fin mars ou début avril ; c’était souvent les photographies de classe, qu’on faisait à l’arrivée des beaux jours. Aujourd’hui, on nous demande de tout concentrer sur le premier trimestre scolaire.

G : Pourquoi un tel chamboulement dans le calendrier ?
A. B. : La crise du coronavirus a complètement rebattu les cartes, puisque évidemment, après la crise, plus personne n’avait de visibilité sur le planning de l’année : on ne savait pas si on allait être reconfinés, s’il y allait avoir de nouvelles restrictions… Dès qu’il y a eu des fenêtres de tir pour organiser les prises de vue de groupe, les établissements se sont précipités pour réserver des créneaux dès la rentrée, dès le mois de septembre, pour ne surtout pas attendre une nouvelle recrudescence de la pandémie. Voilà l’origine de cette habitude que nous avons prise depuis maintenant trois ans.

G : Quels sont les principaux défis associés à la prise de photos de groupes d’élèves ?
A. B. : Évidemment, il y a la prise de vue : il faut être capable de faire passer beaucoup d’élèves en très peu de temps, obtenir une expression, un sourire… Et il y a des âges où c’est difficile d’obtenir un sourire – parce qu’on a des bagues, un appareil pour les dents, alors on n’a pas forcément envie de le montrer. Et puis, vers la 4e, vers la 3e, les ados ne sont pas forcément bien dans leur peau, et sont donc souvent moins expressifs.

Les primaires sont beaucoup plus faciles ! D’abord, il faut savoir qu’ils n’ont pas la même qualité de peau : je vais peut-être en peiner certains, mais à partir de la 5e on commence à briller un peu plus, à cause de la puberté, du sébum sur la peau. Les enfants plus jeunes, avant 10 ans, 11 ans, ont la peau très mate : ce sont des buvards, leur peau ne brillent pas, on peut les éclairer en studio – c’est un confort pour la retouche qui vient ensuite, c’est beaucoup plus facile pour nous. Et puis, si on leur dit de faire “ouistiti”, ils sourient assez facilement.

Et puis, bien sûr, il y a le placement. Je n’ai toujours pas trouvé la solution pour éviter de mettre les petits devant – pour avoir une photo qui soit à peu près cadrée, assez bien composée, il faut organiser les élèves sur trois ou quatre rangées, et ça nécessite de mettre les élèves plus petits devant pour que ceux qui sont derrière soient visibles. C’est pas simple : Encore une fois, c’est plus facile au primaire – quand les niveaux ne sont pas mélangés – mais au collège et au lycée les tailles sont moins bien réparties. À partir du CM2, on a des écarts de tailles qui sont vraiment importants, et à partir de la 4e, les filles sont globalement plus petites, et les garçons sont vraiment très grands, surtout en ce moment : il n’est pas rare de voir, en 4e, un garçon d’un mètre quatre-vingt à côté d’une fille d’un mètre cinquante ! Ce qui me fait toujours sourire, c’est quand j’ai un élève qui arrive et qui me dit : “j’y vais monsieur, je sais que c’est pour moi, de toute façon j’ai toujours été le plus petit !”. Et puis, il y a ceux et celles qui souhaitent être à côté de leurs copains ou copines – quand c’est vraiment un enjeu pour la bonne santé de la classe, je les laisse les uns à côté des autres.

Dessin : Lydia Knapp


G : Quelles sont les différentes étapes de réalisation entre le moment où l’École alsacienne passe la commande et le moment où les familles reçoivent leur photo ?
A. B. : Jusqu’à il y a cinq, six ans, dans les écoles petites, avec trois cents, quatre cents élèves, une fois qu’on avait fait toutes les photos – collectives et individuelles – on imprimait tout. On développait toutes les photos, sans prendre en compte les commandes. C’était la même pochette pour tout le monde, avec la photo de classe et les photos individuelles, des portraits de toutes les tailles. On y trouvait également le bon de commande avec le prix de la pochette (généralement entre 15 € et 20 €) et les parents décidaient de la garder, ou non. S’ils décidaient de la garder, ils faisaient un chèque à l’école. S’ils ne voulaient pas la garder, les pochettes nous étaient retournées. Au final, on avait très peu de retour : entre 7 % et 10 % maximum. Ceci-dit, pour des raisons écologiques, comme tout ce qui était invendu était détruit, on nous a demandé de passer à la commande numérique. Aujourd’hui, au lieu d’imprimer systématiquement les photos, on va éditer des bons de commande : je charge les photos dans une plateforme de vente en ligne, Lumys Scolaire. Tout est sécurisé, du paiement à l’hébergement des fichiers, et aujourd’hui, tout le monde est habitué à ce système. Une fois les photos téléchargées, les parents se connectent depuis leur ordinateur ou leur smartphone, et effectuent leur commande personnalisée, paient en ligne, et moi je récupère la commande, et lance le tirage au laboratoire. Il faut imaginer que c’est une logistique très lourde : à l’École alsacienne, il y a de 1 830 élèves, et la période de commande dure 15 jours. En 15 jours, je reçois donc environ 10 000 tirages à organiser sans me tromper. Et j’ai d’autres écoles à gérer en même temps ! En plus de ça, tous les photographes scolaires travaillent en même temps, et le papier n’est pas illimité, puisqu’en France, on ne produit plus de papier photo : on importe tout du Japon. Dites-vous que là, nous sommes au mois d’avril, et je vais déjà commander le papier pour la rentrée 2023-2024 pour avoir des stocks.

Au bout d’un an, les photographies individuelles sont détruites – on détruit le papier et les fichiers numériques. Les photos ne doivent pas sortir de la chaîne de fabrication : c’est normal, d’autant plus que les élèves sont mineurs. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai choisi Lumys Scolaire : leur plateforme est très sécurisée.

G : Une photographie de groupe qui vous a marquée ?
A. B. : Oui ! La photographie de rentrée… des profs ! En effet, ce qu’on ne dit pas, c’est que si les élèves sont plutôt faciles à photographier, l’équipe pédagogique c’est une autre histoire ! Ils sont finalement moins dociles que les élèves. Je me souviens notamment de la grande photo de l’équipe des professeurs au complet après la pandémie que nous avons faite le jour de la pré-rentrée au Château de Neuville, loué pour l’occasion. Je savais que j’avais cette photographie à prendre, j’avais mon matériel, mais je ne savais pas où la faire : il n’y avait pas de tables, pas de bancs, peu de chaises, un soleil très changeant, beaucoup de nuages… Je voyais l’heure tourner, et je ne trouvais pas d’emplacement. À 11h45, nous n’avions toujours pas pris la photographie, et l’équipe est partie manger. Alors que je les vois sortir du château par un escalier monumental pour se diriger vers le buffet et la restauration, je leur ai dit que c’était maintenant ou jamais, et je leur ai demandé de tous sortir avec leur chaise. Et là, en cinq minutes montre en main, en se servant de l’escalier et des chaises qu’on avait, on a improvisé une photo de 250 personnes. Et finalement, ça c’est super bien passé : le soleil, très doux, est sorti pile à ce moment-là, on avait des brillances dans les cheveux sans avoir la lumière de face, c’était parfait. C’était un grand pari et un beau souvenir.

G : Et chez les élèves ?
A. B. : J’ai toujours une pensée, le 2 ou le 3 septembre, pour les élèves de terminales, pour qui c’est la dernière photo de leur scolarité. Je pense qu’on aurait tout intérêt à la refaire au mois de mai, avant de se séparer, pour marquer la fin de la scolarité.

Je pense que la photo de classe est un symbole important de l’école de la république, qu’il faut continuer de la faire et qu’il faut la conserver toute sa vie. Et il y a des endroits où c’est plus difficile : je me souviens par exemple du cas d’une jeune fille qui était complètement voilée, et qui voulait porter ce voile, qui voulait affirmer cette identité. Or, la loi dit très clairement qu’on ne fait pas de photographie scolaire avec des signes religieux ostentatoires. Le port du voile sur la photo de classe est donc interdit. C’est la règle. […] Ce ne sont pas des moments faciles, parce qu’on ne sait pas forcément trouver les mots.

G : D’où vient le fond bleu que vous utilisez pour les photographies individuelles ?
A. B. : On utilise le fond bleu pour plusieurs raisons, et elles sont très simples. D’abord, on a deux types de fonds : les fonds unis et à motifs. Le souci avec les fonds à motifs, c’est qu’on tombe très vite “dans le rideau de douche”, ça peut être très moche. Il ne faut pas que le fond compte plus que le visage de l’élève ; je me méfie énormément des fonds à motifs – bulles, ballons, oiseaux – qui peuvent être très réussis, mais qui, encore une fois, peuvent aussi être très moches. Concernant les fonds de couleurs monochromes, il n’existe pas tellement de couleurs disponibles. Il y a le fond blanc. Une photo sur fond blanc, c’est un peu quelconque, ça marche mais ça fait un peut photo d’identité, c’est dommage. Le fond gris, je ne le conseille pas : ça enterre très vite le visage, ça fait vraiment photo d’identité ou photo carcérale. Ce n’est pas toujours réussi ; le gris c’est l’anti-contraste. Les fonds colorés, rouges, lie de vin, verts : c’est rarement heureux. Et puis il nous faut vraiment un fond qui fonctionne avec toutes les carnations de peau, tous les types de peau, et c’est vrai que finalement on arrive souvent au fond bleu. Ce fond, ce n’est pas moi qui l’ai inventé : il a des vagues, c’est un fond nuageux – on peut choisir la densité, si on veut des nuages plus ou moins foncés, avec un temps plus clair ou au contraire plus couvert, on peut tout imaginer. […]

J’ouvre un concours à tous ceux qui nous lisent ou nous regardent : si vous avez une autre idée de fond, allez-y, foncez, vous avez jusqu’au 15 août pour me proposer d’autres fonds !

Propos recueillis par
Alexandre Barbaron et Hippolyte Nathan




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